Égypte – Éthiopie : tempête sur le Nil
Sabotage, corruption, intimidation : inquiet de la construction d’un barrage par Addis-Abeba, Le Caire a envisagé toutes les options lors d’une réunion de crise retransmise à la télévision.
Le 3 juin, une réunion de personnalités politiques égyptiennes convoquée par le président, Mohamed Morsi, a tourné au conseil de guerre, certains suggérant de détruire le barrage quand d’autres imaginaient corrompre des hauts fonctionnaires éthiopiens ou soutenir des groupes séparatistes. Retransmis en direct à la télévision – à l’insu, semble-t-il, de la plupart de ses participants -, le conciliabule a déclenché une cascade de réactions hostiles en Éthiopie, le ministre des Affaires étrangères déclarant sur son compte Twitter que son pays ne se laisserait pas intimider. Morsi a dû assurer que l’Égypte ne se lancerait dans aucune action agressive contre l’Éthiopie, tandis que l’une de ses conseillères s’excusait de n’avoir pas prévenu les participants à la réunion de sa retransmission.
Annoncée en 2011, la construction du barrage de la Renaissance (dont le coût est évalué à 3,2 milliards d’euros) s’inscrit dans un vaste programme de valorisation des ressources hydrauliques éthiopiennes, d’un montant total de 9 milliards d’euros. D’une capacité de 6 000 MW, l’ouvrage sera le plus large du continent, et Addis-Abeba souligne qu’il permettra de fournir ses voisins, dont l’Égypte, en électricité bon marché. Situé près de la frontière soudanaise, sur le Nil Bleu – dont les eaux rejoignent à Khartoum celles du Nil Blanc pour former le fleuve qui traverse l’Égypte -, il devrait être inauguré en 2016.
Partage
Selon l’Éthiopie, le barrage ne devrait pas affecter significativement les approvisionnements des deux pays situés en aval, mais les experts estiment que l’Égypte pourrait voir les siens baisser de 20 % durant le remplissage du réservoir, qui débutera en 2014 pour trois à cinq ans. Le partage des eaux du Nil est régi par un traité de 1929, révisé en 1959, selon lequel tout projet devrait recevoir l’aval du Caire. Traité qu’Addis-Abeba et plusieurs autres riverains considèrent désormais comme nul. Car si l’Égypte est un don du Nil, les eaux qui lui parviennent sont à 85 % un cadeau des montagnes éthiopiennes.
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