La lutte contre le sida touchée par la crise du crédit ?
Les pays en développement comme l’Ouganda, qui sont à la recherche de fonds pour financer leurs programmes de lutte contre le VIH/SIDA, pourraient manquer encore plus d’argent, alors que les donateurs pris dans la tourmente de la crise économique mondiale rognent davantage sur les dépenses.
L’Ouganda a lancé un plan stratégique national de cinq ans, estimé à deux milliards de dollars, afin de réduire de 40 pour cent le taux de nouvelles infections, en élargissant l’accès aux services VIH/SIDA.
Cependant, il reste à voir si le programme national de lutte contre l’épidémie, largement soutenu, par le passé, par les donateurs, sera en mesure d’amasser les fonds. En effet, aux Etats-Unis et dans l’Union européenne, les gouvernements ont injecté des milliards de dollars de l’argent public dans les systèmes bancaires en difficulté.
« Cela me surprendrait que [l’Ouganda] obtienne les fonds. D’où viendrait l’argent, surtout maintenant que le budget a été multiplié par quatre ? L’Ouganda représente le pays qui reçoit le plus de fonds pour ses programmes de lutte contre le VIH », a déclaré à IRIN/PlusNews Mai Harper, coordonnateur du Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA.
L’Ouganda est l’un des principaux pays bénéficiaires du Plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida (PEPFAR) et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.En 2007-2008, le PEPFAR a accordé quelque 240 millions de dollars à l’Ouganda, et dans le cadre du 7e cycle de subventions, le Fonds mondial de lutte a débloqué une enveloppe de 70 millions de dollars en faveur des programmes de lutte contre le VIH en Ouganda.
En outre, le gouvernement ougandais a mis quatre millions de dollars de côté, afin de financer les thérapies antirétrovirales et les médicaments antipaludéens, lors de l’exercice financier 2008-2009.
« C’est notre dernière chance et nous devons faire les choses et les faire bien. Les pays comme l’Ouganda devraient définir leurs priorités très clairement », a prévenu M. Harper.
Accent sur la prévention
Aucun bailleur de fonds n’a pour l’instant indiqué ne pas pouvoir tenir ses engagements à cause de la crise financière, a rappelé James Kigozi, responsable de l’information à la Commission de lutte contre le sida d’Ouganda. « A moins d’une indication de leur part, nous prévoyons de recevoir les deux milliards de dollars, sur une période de cinq ans, comme prévu », a-t-il ajouté.
Il a expliqué à IRIN/PlusNews que le pays songeait à constituer un fonds national, afin de créer un soutien durable aux programmes de lutte contre le sida. En outre, cette idée reçoit le soutien du comité parlementaire sur le VIH/SIDA, car le financement des donateurs est parfois incertain.
Jim Arinaitwe, le coordonnateur du Fonds mondial auprès de la Commission de lutte contre le sida d’Ouganda, a indiqué qu’aucun signe de la part des donateurs ne laissait présager une coupe dans les financements. Mais il a reconnu qu’une plus forte pression était exercée sur les gouvernements, afin que ces derniers deviennent plus viables. En outre, il s’attend à ce que la communauté internationale accorde moins d’intérêt à la lutte contre l’épidémie, en faveur d’autres domaines.
Selon M. Harper, l’Ouganda doit considérer le climat financier actuel comme une opportunité à saisir, afin de « définir ses priorités », et de commencer à mettre en oeuvre des programmes de prévention du VIH plus efficaces, en utilisant les ressources plus efficacement et en réduisant la corruption.
M. Arinaitwe partage le point de vue de M. Harper et reconnaît que le pays devra désormais faire plus attention à ses programmes de prévention, car « lorsque nous prévenons les infections, nous avons moins de patients à traiter ».
Le docteur Alex Coutinho, directeur exécutif de l’Institut des maladies infectieuses (IDI en anglais), une ONG basée à Kampala, la capitale ougandaise, gérée par l’Université Makerere, a déclaré que bien qu’une importante partie des programmes de lutte contre le sida soit financée par le PEPFAR, toutes les stratégies de prévention devaient être intégrées dans le plan stratégique national.
Le gouvernement s’est retrouvé sous les feux de la critique après avoir modifié sa lutte contre la pandémie, en délaissant la promotion du préservatif, en faveur de l’abstinence et de la fidélité, sous l’influence des Etats-Unis et des églises évangéliques.
« La moralité doit être exclue des programmes de lutte contre le VIH. Les gens ici ne veulent pas critiquer les mariages, et ils disent que les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes n’existent pas. Nous devons distribuer des préservatifs aux prisonniers et nous devons exclure la moralité des programmes de santé publique. Les questions de santé publique doivent demeurer des questions de santé publique », a insisté M. Coutinho.
Le taux d’infection est particulièrement élevé parmi les prisonniers, les militaires, les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, les nouveaux nés et les populations migrantes, comme les pêcheurs, a-t-il indiqué. Le taux de prévalence enregistré au sein des communautés de pêcheurs compte parmi les taux les plus élevés et atteint 28 pour cent.
Le docteur David Kihumuro Apuuli, directeur général de la Commission ougandaise sur le sida (UAC en anglais), a déclaré que le plan de cinq ans visait également à réduire la transmission du virus de la mère à l’enfant de 50 pour cent d’ici 2012. Selon les estimations, les enfants nés avec le virus représentent actuellement 42 pour cent des nouvelles infections.
En Ouganda, le taux de prévalence du VIH s’élève actuellement à 5,4 pour cent, alors qu’il atteignait les 20 pour cent dans les années 1990 et environ six pour cent en 2000. Toutefois, une augmentation a été récemment notée.
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