Le tsunami frappe au sud

Partie des États-Unis, la tourmente financière est en passe de provoquer une dépression économique planétaire. Les pays émergents ne sont pas épargnés.

Publié le 19 décembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Depuis l’été, les citoyens de la planète restent bouche bée devant l’effondrement du système financier international : volatilisation de centaines de milliards de dollars, faillite de Lehman Brothers, rachat de Merrill Lynch, pertes abyssales de Citigroup et de l’Union des banques suisses, déconfiture de la très riche Islande… Ils vont désormais devoir s’habituer aux faire-part de dépôt de bilan et de suppression d’emplois.

Car le tsunami financier est en train de provoquer une dépression économique mondiale, comme le démontrent les appels au secours lancés par les trois constructeurs automobiles américains, dont la faillite mettrait en péril 8 millions d’emplois aux États-Unis. Les mastodontes des mines ne sont pas davantage à l’abri, puisque l’anglo-australien Rio Tinto vient d’annoncer 14 000 suppressions d’emplois. Quant au japonais Sony, il envisage de réduire ses effectifs de 8 000 unités. Et la liste est longue.

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En France, le secteur automobile va pratiquement cesser de fonctionner pendant plusieurs semaines pour faire face à l’effondrement de la demande de voitures neuves. Inexorablement, la déprime gagne le continent africain. La mise en sommeil de plusieurs industries extractives pourrait ainsi provoquer la perte de 300 000 emplois dans la seule RD Congo. En Afrique du Sud, la deuxième centrale nucléaire, indispensable pour faire face à la demande d’électricité, ne sera pas construite. Quand les cours de l’or, de l’argent et du diamant plongent de 30 % à 40 % et que le déficit du commerce extérieur bondit à 8 % du produit intérieur brut, il faut bien se serrer la ceinture…

L’onde de choc est sans conteste partie des États-Unis. La première économie mondiale est en récession depuis un an, mais le phénomène s’est accéléré au mois de septembre au point que les experts prédisent un recul du produit intérieur brut de 0,5 % en 2009. L’an prochain, la contamination gagnera les pays riches de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui, pour la première fois depuis 1945, seront tous en récession.

Du textile au jouet

Certains analystes espéraient que les pays émergents, qui n’ont pas cédé aux folies financières des pays développés, seraient épargnés et continueraient de jouer leur rôle de locomotive, évitant au reste du monde de plonger dans une crise trop grave. Semaine après semaine, les chiffres démentent cet optimisme. La Chine enregistre un fort ralentissement de son commerce international : ses exportations ont reculé en novembre de 2,2 % (sur un an) – une première – et ses importations de 17,9 %

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Avec quelque 12 % de croissance, l’économie chinoise était en surchauffe depuis des années. En 2008, la voilà revenue à + 9,4 %, et les augures de la Banque mondiale parlent de + 7,5 % en 2009. Cette décélération se traduit par des dizaines de milliers de licenciements dans l’industrie textile et dans celle du jouet. Les choses en sont à un point tel que les autorités ne parviennent plus à dissimuler les manifestations de salariés licenciés en colère.

Les mécanismes de transmission de la crise des pays riches vers les pays en développement sont connus.

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1. Le manque de confiance des consommateurs, menacés par le chômage, et le mauvais moral des entreprises, inquiètes de voir disparaître leur clientèle, se traduisent par une réduction de la demande et donc des échanges. En 2009, la Chine a par exemple décidé de suspendre tout achat d’avions commerciaux. Pour la première fois depuis 1983, le commerce international dans son ensemble se contractera, l’an prochain, de 2,1 %. Les devises provenant des exportations vers les pays développés se tariront, les recettes touristiques stagneront. Quant aux travailleurs émigrés, ils enverront moins d’argent à leurs familles demeurées au pays. Un seul exemple : quittant en masse le secteur du bâtiment en faillite, les Espagnols se remettent à la récolte des fruits et des légumes, dont ils chassent les saisonniers africains.

2. L’investissement prend peur à son tour et va se faire rare. La Banque mondiale estime que sa progression tombera de + 13,5 % en 2007 à + 3,5 % en 2009. C’est grave parce qu’un tiers de la forte croissance des pays en développement provenait, depuis cinq ans, des capitaux étrangers. Lesquels permettaient de bâtir des usines et de financer mines et plantations. Le pire est donc à venir : aucun pays ne restera à l’abri de cette tornade annoncée.

Pourtant, des forces bénéfiques sont à l’œuvre, qui permettront peut-être d’abréger la période de vaches maigres qui commence.

La première bonne nouvelle, c’est que la crise financière est en train de s’apaiser, malgré le nouveau scandale révélé le 13 décembre : les pratiques frauduleuses de l’escroc Bernard Madoff ont fait perdre une cinquantaine de milliards de dollars aux investisseurs qui lui avaient fait confiance. Avant l’été prochain, on devrait beaucoup moins parler des banques, qui auront mis de l’ordre dans leurs comptes et repris un financement presque normal des activités économiques.

La deuxième bonne nouvelle est que les plans de relance lancés dans de nombreux pays vont finir par produire leurs effets et par soutenir une croissance vacillante. Les États-Unis ont déjà injecté quelque 300 milliards de dollars, la Chine parle de 500 milliards, l’Europe de 200 milliards d’euros, et le Japon tout autant. Même le petit Vietnam entend consacrer 8 milliards de dollars à la construction d’écoles et de routes afin de contrer la dépression.

Diversification manquée

Troisième nouvelle, à la fois bonne et mauvaise : le prix du pétrole a été divisé par trois en cinq mois. Si le prix du baril demeurait à 50 dollars pendant un an, ce serait 3 000 milliards de dollars d’économisés pour les pays importateurs. De quoi doper les économies les plus languissantes… mais aussi mettre à mal les pays exportateurs d’hydrocarbures, qui n’ont pas profité de la manne pétrolière pour diversifier leur économie : la Russie, l’Iran, le Venezuela, l’Algérie et la Bolivie, notamment.

Dernière bonne nouvelle, les pays en développement producteurs de matières premières ont géré de façon beaucoup plus prudente que par le passé le boom des recettes que la hausse des cours leur a valu. La corruption a été plus ou moins contenue, les monnaies ont été plus stables, et l’inflation assez bien maîtrisée. Autant d’atouts pour aborder la reprise dans de bonnes conditions.

La reprise ? Oui, la reprise, qui, de l’avis des experts, devrait pointer son nez vers la fin de l’année prochaine dans les économies industrialisées et dans le courant de 2010 dans le reste du monde. Mais la croissance n’aura plus rien à voir avec celle des années flamboyantes. La convalescence de l’économie mondiale durera encore de longs mois avant que la confiance revienne vraiment.

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