La politique des petits pas
Lâcher du lest avant les échéances : c’est la tactique de la junte qui a renversé le président mauritanien le 6 août dernier. Son chef, le général Ould Abdelaziz, s’est engagé à libérer Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en résidence surveillée, avant le 24 décembre. Le moment choisi pour cette annonce, faite à Mahamat Annadif, le représentant de l’Union africaine (UA) auprès de la Commission européenne, lors d’une visite à Nouakchott, les 6 et 7 décembre, n’est pas fortuit. Le 22 décembre, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA doit se réunir à Addis-Abeba, et sa préoccupation principale sera la Mauritanie. Il pourrait évoquer une saisine du Conseil de sécurité de l’ONU pour que des sanctions soient prises contre le régime militaire, sourd à l’exigence répétée d’un retour à l’ordre constitutionnel. En signe de bonne volonté, le général donne l’impression de faire un pas. Comme en novembre dernier, quand Sidi avait été transféré à Lemden, son village natal, huit jours avant la grand-messe du 21 novembre qui a rassemblé, à Addis-Abeba, la Ligue arabe, l’UE, la Francophonie, l’ONU, l’Organisation de la conférence islamique…
Mais si la promesse de libération de Sidi répond à l’un des vœux de la communauté internationale, le front de soutien au président déchu n’est pas satisfait : « C’est de la poudre aux yeux, estime Amal, sa fille. Que signifie une libération ? Où qu’il aille, le président sera toujours surveillé. Libérer le président ne veut rien dire tant qu’il n’est pas rétabli dans ses fonctions. » Le « rétablissement dans ses fonctions » de Sidi fait partie des impératifs des « antiputsch ». En revanche, il ne figure plus parmi les exigences de l’UE et de l’UA, comme c’était le cas durant les deux premiers mois qui ont suivi le coup d’État. Dans l’engagement pris par le général, l’UA s’est contentée de voir « un premier élément de réponse », mais n’a pas précisé que l’étape suivante devait être le retour de Sidi dans son fauteuil de chef d’État. Pragmatique, la communauté internationale a en fait abandonné cette réclamation, constatant qu’elle crispait la junte. Peut-être qu’elle juge, à l’instar de ce diplomate en poste en Afrique de l’Ouest, que « Sidi n’est plus populaire ».
Grâce à sa façon de distiller les avancées, la junte se ménage des chances d’éviter les sanctions. L’UE et l’UA lui ont donné jusqu’au mois de février. D’ici là, les « États généraux de la démocratie » devraient avoir eu lieu ; leur date, le 27 décembre, a été annoncée le 14 décembre. Lors de ce forum ouvert à la société civile et aux partis politiques, un calendrier électoral doit être fixé, qui préfigure donc le retour à l’ordre constitutionnel préconisé par la communauté internationale. Selon une source à Nouakchott, la junte souhaiterait que la présidentielle se tienne avant le prochain ramadan, qui commencera en août. Rien n’interdira à Sidi Ould Cheikh Abdallahi, ni aux militaires qui auront démissionné de l’armée, notamment Ould Abdelaziz, de se porter candidat.
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