La Termitière et ses petits rats
À l’occasion du festival organisé par l’école de Ouagadougou, retour sur ce centre chorégraphique de première importance.
Il faut beaucoup de persévérance pour trouver le Centre de développement chorégraphique, à Ouagadougou. Même les chauffeurs les plus aguerris, habitués aux rues chaotiques de la capitale burkinabè, n’y retrouvent pas leur chemin. Ce n’est qu’après s’être engouffré dans le quartier de Samandin que l’une des écoles de danse contemporaine les plus réputées du continent se dévoile avec pudeur.
Plus connue sous le nom de la Termitière, cette école panafricaine fait la fierté du continent. « La danse se vit au quotidien en Afrique, mais, paradoxalement, aucun endroit n’existait réellement au Burkina pour la célébrer », affirme Esther Ouoba, actuelle administratrice des lieux.
Pendant la période sankariste, ces bâtiments à l’élégance sahélienne servaient de foyer pour artistes. Passé les années 1980, la bâtisse tomba en désuétude. C’est en 2000 que les chorégraphes Salia Sanou et Seydou Boro décidèrent de faire revivre l’endroit. Leur projet a mis six ans à aboutir. Soutenus par les pouvoirs publics et les coopérations néerlandaise, française et belge, ils sont parvenus, en 2006, à créer cet espace de liberté. « Notre objectif est de favoriser la création et de professionnaliser les danseurs », explique Salia Sanou, qui vient de publier, avec le photographe Antoine Tempé, Afrique, danse contemporaine, dans lequel il retrace son incroyable parcours.
Première école du genre en Afrique avec, près de Dakar, l’École des sables de Germaine Acogny, l’ancienne directrice du Mudra Afrique de Maurice Béjart, la Termitière est même devenue « une structure essentielle pour la diffusion internationale de la danse contemporaine africaine ». D’ailleurs, du 8 au 20 décembre, elle accueille le festival Dialogues de corps (voir encadré).
Le Centre, implanté sur un site de près de 28 000 m2, offre une salle principale de répétition et de représentation, baptisée « le Temple », qui peut accueillir jusqu’à trois cents personnes. Rails de projecteurs sous une hauteur de plafond d’une dizaine de mètres, équipements neufs, parquet lustré… rien n’est laissé au hasard. Non loin, dans l’aile d’un bâtiment adjacent, neuf chambres sont réservées aux résidents et aux stagiaires. Outre plusieurs autres salles de répétitions, les danseurs disposent d’un centre de documentation sur les arts chorégraphiques. « Chaque année, une cinquantaine d’étudiants sont hébergés. Des Ivoiriens, des Tchadiens, des Sénégalais, des Nigériens. Les demandes explosent. Nous ne pouvons toutes les satisfaire », explique Esther Ouoba.
La Termitière est bien plus qu’une simple école. C’est un concept global qui va de la sensibilisation du public à une formation de trois ans destinée aux professionnels. Sa dimension panafricaine passe surtout par les « résidences de création », permettant aux compagnies africaines de bénéficier des conseils de chorégraphes de premier plan. De grandes figures se sont ainsi succédé : Lassan Congo, premier danseur professionnel du Burkina ; l’Américaine Carolyn Carlson, Lion d’or 2006 de la Biennale de Venise ; Joseph Nadj du Centre chorégraphique d’Orléans ; Héla Fattoumi du Centre chorégraphique de Caen ; ou encore Mathilde Monnier, actuelle directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier. Reste les moyens. Depuis son ouverture, les aides ont afflué. Mais « si tout cela est compliqué à gérer, l’essentiel est que la pérennité du projet soit assurée », conclut Sanou.
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