Mohammed Madbouli

Considéré comme un monument de la profession, l’éditeur égyptien Mohammed Madbouli est mort le 6 décembre au Caire.

Publié le 17 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

L’un des derniers grands éditeurs arabes, Mohammed Madbouli, est mort à l’âge de 70 ans. Des générations de lecteurs moyen-orientaux et maghrébins lui doivent quelques-unes de leurs meilleures lectures, les plus irrévérencieuses, surtout. Ses livres garnissaient toutes les bibliothèques publiques et privées de la région.

Pourtant, rien ne préparait ce gamin des faubourgs cairotes à devenir le symbole des Lettres. Analphabète, il vendait les journaux sur le trottoir à l’âge de 6 ans. Mais, à force de déchiffrer les mots en attendant ses clients, il finit par apprendre à lire tout seul. Sa décision est prise de devenir un jour éditeur. Ce sera chose faite dès que ses moyens lui permettent de s’acheter une boutique, d’y publier ses coups de cœur et d’y diffuser d’autres éditeurs. â©Peu à peu, sa librairie devient un passage obligatoire pour les amoureux des livres, un sanctuaire du savoir, une caverne d’Ali Baba où l’on trouve aussi bien les traités les plus sérieux que les fameux « livres jaunes » à teneur érotique. Malgré son succès, Madbouli ne cédera jamais aux démons du commerce et de la spéculation, refusant d’ouvrir d’autres librairies, de rejoindre les réseaux de vente officiels ou de mettre ses livres sur le Net.

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Sa notoriété viendra surtout d’une philosophie éditoriale dont le principe est de braver la censure, autrement dit de publier et de diffuser les livres à polémique ou interdits : tous les écrivains décriés par le pouvoir et honnis par les islamistes trouvent grâce à ses yeux. C’est lui qui publie la bête noire du régime égyptien, le poète Ahmed Fouad Najm ; qui fait scandale avec les ouvrages du Syrien Haïdar Haïdar ; qui diffuse des essais jugés diffamatoires de jeunes auteurs inconnus, tels Alaa Hamed, condamné pour blasphème par la Cour martiale d’Égypte pour Une distance dans l’esprit d’un homme, Muhammad Futuh, dont Les Cheikhs modernes et la fabrication de l’extrémisme religieux provoquent un tollé à Al-Azhar et la saisie de l’ouvrage, ou encore l’ex-policier contraint de s’exiler aux États-Unis pour son livre Comment éviter de se faire tabasser par la police. Il y a six mois, deux Égyptiens qui avaient introduit au Soudan La Mère des croyants dévore ses fils – sur Aïcha, l’épouse du Prophète – pour le compte de l’éditeur cairote se sont vu infliger six mois de prison.

Seul point noir, au printemps dernier, Madbouli a ordonné à ses imprimeries de brûler deux livres de la féministe égyptienne Nawal Saadaoui, accusée de porter atteinte à l’islam. Mohammed Madbouli se serait-il assagi à l’approche de la mort ? Les intellectuels égyptiens n’en reviennent toujours pas, redoutant que la décision du premier et du plus courageux des éditeurs arabes n’entraîne des réactions semblables chez ses confrères. 

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