Le rebond africain attendu dès 2010

Avec une « petite » croissance de 4,6 % en 2009, le continent renouerait avec une progression du PIB proche de 6 % dès 2010. Un scénario trop optimiste ?

Publié le 17 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Pour une fois… « L’Afrique souffrira du ralentissement économique, mais la décélération de son économie sera moins importante qu’ailleurs. Le continent n’a pas bénéficié du même flux de capitaux et de la même poussée des investissements que dans le reste du monde, notamment dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, il n’en subit donc pas les lourdes conséquences au moment de leur reflux brutal », justifie Andrew Burns, chef économiste à la Banque mondiale (BM). Il a piloté l’équipe qui a élaboré le rapport sur les Perspectives pour l’économie mondiale en 2009, présenté le 8 décembre à Paris.

Si la récession économique, conséquence de la crise financière, se propage à l’ensemble de la planète, les effets en seront inégalement ressentis. Les pays riches se débattront dans une croissance molle de 0,1 % en moyenne l’année prochaine (- 0,3 % pour les pays de l’OCDE). « C’est la plus forte chute de croissance de ces trente dernières années », note-t-il. De leur côté, les pays émergents, après un taux de croissance soutenu de 7,9 % en moyenne en 2008, connaîtront une baisse de régime l’an prochain avec une hausse de « seulement » 4,5 % de leur PIB. L’Afrique tirera plutôt bien son épingle du jeu avec une croissance moyenne en progression de 4,9 % en 2009. « Je trouve la Banque mondiale un peu trop optimiste dans ses prévisions », juge Philippe Chalmin, professeur d’économie à Paris-Dauphine et auteur du rapport Cyclope sur les matières premières.

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Mais après leur troisième crise d’affilée, à la suite des chocs alimentaires et énergétiques, les pays africains devront jouer de prudence pour se sortir des turbulences économiques à venir et faire face à la chute de la demande mondiale qui se traduira par une baisse de 2,5 % des exportations mondiales. Ce qui ne s’était pas produit depuis 1982. De fait, les exportations africaines, qui avaient connu de belles progressions ces dernières années, avec des hausses respectives de 5,4 % et de 5,9 % en volume en 2007 et 2008, ne s’accroîtront que de 4,5 % l’an prochain.

Les économies du continent seront également confrontées à l’évolution des cours des matières premières. Selon la BM, leurs prix, qui ont fortement chuté au cours du second semestre 2008, devraient encore baisser de 20 %. Ils resteront malgré tout à des niveaux supérieurs de 50 % par rapport à ceux pratiqués en 2000. Ce qui réduira les perspectives d’investissement dans les mines. « C’est une quasi-certitude, avance l’économiste en chef de la BM, la mise en œuvre de certains projets sera retardée. Tout dépendra du comportement du prix des métaux dans les mois à venir. »

Un baril à 75 dollars

De leur côté, après une dégringolade de 16 % ces derniers mois, les prix des produits alimentaires devraient se stabiliser. Avec une productivité du monde agricole qui progresse de 2,1 % par an et une demande mondiale qui augmente annuellement de 1,5 %, la BM écarte tout spectre d’une crise alimentaire et soutient les pays africains dans leur volonté de restaurer les politiques agricoles. Seul bémol : les pays africains où la population augmente le plus vite dépendront de plus en plus des importations de produits alimentaires. « Ce scénario ne tient pas la route. On ne peut pas dire qu’il n’y aura pas de problème alimentaire en 2009. Moi, je suis convaincu du contraire, soutient Philippe Chalmin. Ne serait-ce que parce que les bonnes terres cultivables sont perdues au profit de la croissance urbaine. Il y a une nécessité à réhabiliter les politiques agricoles dans les pays émergents. »

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Quant au pétrole, il devrait se situer à 75 dollars le baril dans les prochaines années, selon la BM. « Un baril à ce prix d’équilibre serait raisonnable, mais sommes-nous raisonnables ? » lance Philippe Chalmin. Il est vrai qu’un baril à 75 dollars satisferait aussi bien l’offre que la demande. « Un baril à ce niveau procure suffisamment de rente aux pays producteurs africains pour qu’ils investissent dans des capacités de production, et cela ne « tuera » pas la demande. Pour les pays importateurs, la baisse du prix des commodities, pétrole compris, lèvera les tensions inflationnistes et leur redonnera un peu de marge de manœuvre », analyse Andrew Burns.

Toutefois, si les prix baissent depuis quelques mois, les pays émergents connaissent toujours de fortes inflations, entre 4 % à 12 %, avec des pointes à 17 % et 18 % en Afrique. Ce qui réduit la marge de manœuvre des autorités fiscales avec des balances de comptes courants qui sont dans le rouge de 10 % pour un tiers des pays du continent. Les gouvernements doivent rester vigilants. « Si un problème apparaît dans leur système bancaire, ils ne devront pas hésiter à adopter des mesures comme l’on fait les pays industrialisés, ni à demander le soutien d’institutions comme le FMI car le coût de la crise financière est énorme », note-t-il.

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Autre conseil : les pays devront chercher, en fonction de leurs moyens, à mener des politiques fiscales volontaires. « Il ne faudra surtout pas qu’ils annulent les investissements qu’ils ont programmés dans les infrastructures, l’éducation et la santé, car ils sont producteurs de croissance à long terme », précise Andrew Burns. D’après la BM, les États, comme les entreprises africaines d’ailleurs, trouveront les sources de financement à leurs projets. Mais à quel prix ? Le crédit devrait être quatre fois plus cher. Les entreprises les plus fragiles, endettées, seront dans des situations très difficiles. Il faut s’attendre à des faillites.

Mais la BM se veut optimiste (trop ?) pour l’avenir. « D’année en année, nous sommes à chaque fois étonnés par les bonnes performances de l’Afrique. Il y a une généralisation de la performance, peu de pays ont de mauvais résultats. C’est le grand changement intervenu depuis les années 1990 ou seulement quelques locomotives tiraient la croissance du continent. C’est ce qui nous fait croire que si les États mènent des politiques prudentes, ils retrouveront rapidement leur rythme de croissance des années passées », prédit Andrew Burns.

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