La leçon de Malabo
Depuis 1995, le pays enregistre la plus forte croissance au monde. Première puissance financière d’Afrique centrale, il réinvestit une bonne part de sa manne pétrolière dans la réalisation d’infrastructures et de logements.
Rêves de grandeur
La Guinée équatoriale tord le cou à bien des certitudes économiques sur l’Afrique. En quelques années, le pays est devenu le troisième producteur subsaharien de pétrole brut (après l’Angola et le Nigeria) et il affiche la plus forte croissance mondiale : 23,2 % en 2007. Une performance d’autant plus emblématique du boom que cette position de champion du monde de la croissance tend à se renouveler chaque année depuis le milieu des années 1990, date de la mise en exploitation de Zafiro, son principal champ pétrolier, au large de l’île de Bioko. Logiquement, le revenu de ses 700 000 habitants a lui aussi atteint des sommets. Du moins en théorie. En effet, une grande partie de la population ne bénéficie pas encore directement de la croissance, même si le produit intérieur brut (PIB) par habitant s’est établi l’an passé à près de 17 000 dollars, le plus fort de tout le continent.
Cependant, la crise financière internationale est passée par là. « Nous ne sommes pas à l’abri de la conjoncture internationale », explique le ministre de l’Information, Jeronimo Osa Ekoro. Pour la Guinée équatoriale, qui tire sa richesse des hydrocarbures, le repli brutal des cours, depuis le mois d’août, n’est pas une bonne nouvelle. « La rémunération des dépôts publics représente 25 % des recettes non pétrolières, explique un observateur. Et sa diminution risque d’empêcher le gouvernement de financer certaines dépenses courantes. » Même si la chute des cours a été contrebalancée par l’envolée du prix du baril à plus de 140 dollars en juillet et août derniers, cette conjoncture devrait faire reculer le PIB en 2008, le ramenant autour de 13 %, au lieu des 15,2 % projetés en début d’année (7,7 milliards d’euros en 2007). À l’heure où la récession gagne l’économie mondiale, ce taux reste malgré tout très honorable.
Les effets de la crise anticipés
Mais le retournement du marché pétrolier est suffisamment inquiétant pour alerter le gouvernement. Selon le Comité de politique monétaire (CPM) du 8 octobre dernier, qui rassemble les meilleurs économistes du pays, « la baisse des cours aura un impact sur les recettes budgétaires et réduira les projets de la Guinée. […] La diminution des exportations affectera les réserves extérieures et la rémunération des dépôts publics ».
Pour anticiper tout déficit budgétaire en 2009, au cas où cette tendance se maintiendrait, le gouvernement a d’ores et déjà revu, avec l’aide du Fonds monétaire international (FMI), les priorités de certains des 1 500 projets devant être lancés d’ici à 2020. Il a également abaissé les taux d’intérêt de comptes spéciaux : de 3,65 % à 3,35 % en ce qui concerne le Fonds de réserve pour les générations futures. Enfin, soucieuse de prémunir ses actifs à l’étranger de toute faillite bancaire, la première puissance financière d’Afrique centrale a rapatrié près de 2,8 milliards de dollars depuis le mois de juin, dont 780 millions pour le seul mois de septembre.
La diversification des filières productives, conformément aux recommandations de la Conférence économique nationale organisée à Bata en novembre 2007, n’en est que plus urgente. Cependant, pour l’heure, l’euphorie immobilière ne faiblit pas. Dans toutes les villes du pays, les pancartes indiquant de futurs chantiers se multiplient. Routes, ponts, ports, aéroports, sièges d’entreprises, ministères, écoles, logements sociaux, complexes sportifs, grands marchés centraux… Les dizaines de sociétés, publiques comme privées, nationales ou étrangères, telles que Somagec, Bouygues, Soguibat, Razel, Arab Contractors, Besix, China Gezhouba Group Corporation (CGGC) ou encore Dalian, continuent de modeler le pays en puissance émergente.
Aucune partie du pays n’échappe à cette phase du « béton-goudron », dont le dynamisme repose sur les 800 millions de dollars investis chaque année dans les infrastructures. Pas même la paisible île de Corisco, qui doit bénéficier d’une mise en valeur touristique.
Tous les secteurs sont concernés, à commencer par l’économie maritime. La filiale du marocain Somagec, qui s’est également vu confier, avec le français Veolia, le marché du réseau d’eau de Bata, a désormais presque achevé le premier quai du port de Malabo sur les trois qu’elle doit réaliser. Dubai Ports World (DP World) et le groupe Bolloré sont sur les rangs pour la gestion de cette enceinte en complète transformation, qui doit devenir à terme un hub de transbordement sous-régional.
Une phase « béton-goudron » qui ne faiblit pas
Le nouveau quartier d’affaires Malabo II, par lequel serpente une immense artère de contournement de la capitale, voit éclore de nombreux sièges d’entreprises, de banques, d’administrations, ainsi que des immeubles d’habitations flambant neufs. Après avoir livré le stade de Malabo, qui a accueilli la finale de la Coupe d’Afrique des nations féminine (voir p. 73), la filiale de Bouygues en Guinée équatoriale a, pour sa part, lancé les travaux du plus grand complexe sportif du pays. Sont prévus une piscine olympique, un golf et des cours de tennis.
Quant aux hôtels, ils fleurissent, à l’instar du Plazza à Bata ou, à Malabo, du 3-Août et du Sofitel Président. Inauguré en 2007, cet établissement haut de gamme, géré par le groupe Accor, est le premier du pays. Sur la place du Coup-de-la-Liberté, il jouxte la nouvelle grande bibliothèque nationale, dont l’architecture est digne de la légendaire Sorbonne parisienne.
Après l’attribution, en juin, d’une seconde licence de mobile à HiTs, les télécommunications sont également en pleine mutation (voir pp. 68-69). Le groupe saoudien doit investir 756 millions de dollars jusqu’en 2017. Ce marché de gré à gré a mis un terme au monopole de Getesa, opérateur public historique détenu à 40 % par le français Orange. Une ouverture bien vue des consommateurs, qui attendent légitimement une baisse des prix et une amélioration des services. Sur ce point, le secteur bénéficie de l’attribution, en février dernier, à Alcatel-Lucent Submarine Network (ALSN), filiale du groupe Alcatel-Lucent, du contrat de pose d’un câble sous-marin à fibre optique. Long de 280 kilomètres, avec une capacité de 80 Gbit/s, ce nouvel équipement améliorera considérablement le réseau entre la ville de Malabo et celle de Bata.
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