Sergio Esono Le droit chemin
Son mandat à la tête de la Cour suprême de justice s’achève théoriquement en février prochain, mais il a bon espoir d’être reconduit dans ses fonctions. Il faut dire que, depuis sa nomination en 2004, le magistrat n’a pas chômé.
Rêves de grandeur
Bien que la Constitution équato-guinéenne ne fasse aucune référence au protocole, cet homme discret à la voix posée et au physique de rugbyman est le troisième personnage de l’État. Avec d’autres, il est surtout, à 36 ans, celui par qui son pays se dote progressivement d’un droit positif digne de ce nom. La tâche est colossale. Recroquevillée durant des décennies sous le poids de la colonisation franquiste et l’obscurantisme de Francisco Macias Nguema, la Guinée a hérité d’un appareil judiciaire déplorable, oscillant entre les us et coutumes locaux et les législations imposées depuis Madrid. L’arrimage à la zone franc, en 1985, puis l’exploitation pétrolière ont changé la donne, poussant le pays à la modernité. Artisan besogneux, il accompagne cette évolution depuis dix ans.
Né le 24 février 1972 à Luba, petite localité proche de Malabo, Sergio Esono Abeso Tomo se passionne très tôt pour le latin et le grec. Après l’obtention de son baccalauréat au lycée espagnol de la capitale, en 1990, il poursuit des études de lettres classiques à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Ucad), tout en perfectionnant son français. De cette période naissent ses premiers engagements politiques, puisqu’il est alors le porte-parole de l’Association des étudiants étrangers au Sénégal, fonction qui développe chez lui son engouement pour la justice.
La passion du droit
Ce dernier le pousse d’ailleurs à changer d’orientation pour se consacrer au droit. « C’était le meilleur moyen pour moi de faire avancer mon pays, dont on ne parlait jamais, sinon en termes négatifs. » Un choix d’autant plus opportun que l’adhésion à la zone franc a singulièrement accéléré les choses. « C’est la décision la plus importante de toute notre jeune histoire », explique Esono. En effet, tout en rompant avec l’isolement, ce rapprochement permet à l’ancienne colonie espagnole d’intégrer une communauté de vues et d’esprit en l’obligeant à harmoniser et améliorer l’ensemble de ses textes.
Après l’obtention de sa maîtrise en droit des affaires en 1999, Sergio Esono rentre en Guinée, où il est affecté au cabinet du ministre de la Justice. Son principal chantier : la mise en œuvre dans son pays des dispositions prévues dans le cadre de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Délégué de la Guinée équatoriale auprès de la Commission des droits de l’homme des Nations unies de 2000 à 2003, il suit parallèlement un troisième cycle à l’université de Nantes, en France, grâce à une bourse de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), après avoir obtenu un master de commerce international à Madrid.
C’est donc un homme aguerri, qui fut aussi juriste au sein du secrétariat des réformes de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), qui est nommé, en 2004, à la tête de la plus haute juridiction équato-guinéenne. Là, il œuvre à la révision de textes aussi fondamentaux que ceux régissant les marchés, les investissements, le travail, la propriété, la criminalité fiscale.
« Le processus de codification est long et tout n’est pas parfait. Nous manquons encore cruellement de personnel. Mais chacun doit savoir que notre pays n’est pas une jungle où tout est permis », explique-t-il. Le plus emblématique reste le code de la famille, qui doit être adopté en 2009. Il doit réglementer des domaines aussi divers que le mariage, les droits de l’enfant ou encore la polygamie, pratique légalement reconnue en Guinée. En attendant, Sergio Esono Abeso Tomo profite des vacances judiciaires qui, comme chaque année, ont débuté le 30 novembre. Des congés bien mérités puisque la Cour rend également le droit. « Désormais, explique-t-il, nous produisons en moyenne deux cents arrêts par an… Contre un seul il y a vingt ans. »
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