À quoi joue Ahmed Ould Daddah ?
Le chef du premier parti du pays ne condamne pas le coup d’État du 6 août, mais refuse de participer au gouvernement formé par la junte.
Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah ne sont pas près de se serrer la main. Le 7 décembre, le président déchu reçoit des émissaires internationaux dans son exil de Lemden, à 200 km au sud-est de Nouakchott. La discussion portant sur la crise politique née du putsch du 6 août, le sujet Ould Daddah, chef de file de l’opposition – il a conservé ce statut inscrit dans la Constitution – et chef du premier parti du pays, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), est abordé. L’affable « Sidi » se crispe, confiant sa surprise de voir un démocrate soutenir un coup d’État, affirmant ne pas juger nécessaire de le rencontrer, rappelant qu’il avait pourtant l’habitude de le recevoir régulièrement… Encore le langage de Sidi est-il policé. Pour les autres adversaires du putsch, Ould Daddah est un « traître », au mieux un « vendu ».
Pourfendeur du pouvoir militaire et du système autocratique de Maaouiya Ould Taya (renversé en août 2005), victime, à cette époque, d’incessantes tracasseries policières, emprisonné à plusieurs reprises, Ould Daddah n’a pas condamné le coup d’État du 6 août, déclarant même, une dizaine de jours après : « Nous avons soutenu le changement du 6 août et nous comptons poursuivre notre contribution pour qu’il soit une réussite. » Sa position se veut pragmatique. « Le changement était inévitable, expliquait, le 8 août, l’un de ses proches à Jeune Afrique. Il fallait mettre un terme à la non-gestion de Sidi. » Bien sûr, le RFD et son chef auraient préféré une destitution légale, plus conforme aux principes démocratiques du parti, membre de l’Internationale socialiste.
Hostile au rétablissement dans ses fonctions de Sidi, Ould Daddah a toutefois refusé que le RFD entre au gouvernement nommé par la junte en septembre. Au motif que son chef, le général Ould Abdelaziz, ne s’est pas prononcé sur le calendrier électoral et, surtout, sur les conditions d’éligibilité. Éternel candidat à la présidentielle – il l’a été en 1992, en 2003 et en 2007 –, Ould Daddah, 66 ans, ne voudrait pas avoir pour adversaire un Ould Abdelaziz ayant la haute main sur l’organisation du scrutin. Un moyen, également, de préserver l’image démocratique du RFD.
Sur une scène politique divisée entre pro- et anti-putsch, Ould Daddah n’a pas encore trouvé sa place : d’un côté, il ne peut soutenir aveuglément la junte sans compromettre ses chances électorales ; de l’autre, il ne peut rejoindre le clan des anti-putsch, qui lui est désormais résolument hostile. Reste une troisième voie, évoquée par certains observateurs : qu’il soit interdit aux militaires de se présenter à la présidentielle et qu’Ahmed Ould Daddah soit leur candidat, à l’instar de Sidi Ould Cheikh Abdallahi en 2007. Ce qui, toutefois, ne prémunit en rien le pays contre un coup d’État.
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