La revanche de Moussa Touati

Recalé à la présidentielle de 2004 pour parrainages insuffisants, le chef du FNA est assuré cette fois de voir sa candidature à la magistrature suprême validée. Portrait.

Publié le 11 décembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Ne vous fiez pas à sa mine défaite. Moussa Touati, 55 ans, patron du plus jeune parti du pays, le Front ­national algérien (FNA, troisième force politique en termes d’élus), est un homme heureux. Parti de rien, sans bagages ni réseau d’influence, le voilà présidentiable. Le candidat déclaré du FNA à la présidentielle d’avril 2009 savoure sa revanche. Recalé par le Conseil constitutionnel, le 1er mars 2004, pour parrainages insuffisants (500 élus ou 75 000 signatures de citoyens répartis sur 25 wilayas), il est assuré d’être retenu pour le ­prochain scrutin, puisque le FNA compte 1 578 élus locaux, 277 régionaux et ­16  députés à l’Assemblée populaire nationale (APN).

Contrairement à ce que laisse entendre son nom de famille, Moussa Touati n’est pas originaire du Touat, cette région du Sud-Ouest algérien où sont concentrés les Zénètes, les Berbères noirs du désert. Il est né à Beni Slimane, sur les hauteurs du Titteri, montagne de l’Atlas blidéen séparant le littoral tellien des premières dunes du Sahara. D’extraction modeste, il a 2 ans quand son père rejoint les maquis de la révolution, d’où il n’est jamais revenu. Fils de chahid (martyr de la guerre de libération nationale), il n’est pas pour autant un pupille de la nation. À l’indépendance, en 1962, il entame sa scolarité à Médéa, chef-lieu du Titteri, puis dans un lycée de la capitale. Les moyens de la famille sont inversement proportionnels à l’ambition du lycéen. Le jeune homme est pressé. À 16 ans, et grâce à son statut de fils de chahid, il décroche une bourse pour Tripoli. Quelques mois après son arrivée en Libye, une révolution emporte le régime du roi Senoussi. La situation est trouble et sa scolarité en pâtit. Moussa Touati tente sa chance à Damas, mais les études le lassent très vite.

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En 1972, il rentre en Algérie pour s’engager dans l’armée, persuadé que l’institution militaire lui servira de tremplin social. L’absence de diplôme le prive du statut d’officier. Après cinq années passées sous les drapeaux, il est radié des services avec le grade ­d’adjudant. Pas très glorieux. Il rejoint un autre corps de sécurité, la Douane, mais l’évolution de carrière y est trop lente à son goût. Moussa Touati décide alors de devenir policier et signe, en 1980, son engagement dans la Sûreté nationale. Mais l’uniforme et le képi, sous leurs différentes déclinaisons, n’assouvissent toujours pas ses rêves de grandeur. En 1986, une opportunité s’offre à lui. Le président Chadli Bendjedid décide d’assouplir la réglementation en matière de vie associative. Moussa Touati ­s’engouffre dans la brèche et crée l’Organisation nationale des enfants de chouhada (Onec), et ce – la ­performance n’est pas banale – sans le parapluie du Front de libération nationale (FLN, alors parti unique). Il sillonne le pays, ­structure son association et étend son réseau au sein de « la famille révolutionnaire », une entité informelle regroupant ­toutes les personnes physiques et morales ayant pour dénominateur commun la légitimité historique, en référence à la guerre de libération. Cette activité étant incompatible avec son statut de « simple flic », il demande et obtient, en 1988, sa radiation des rangs de la police. Moussa Touati est enfin un homme politique. Mais, très vite, il en fait l’amer constat : le FLN, tuteur de toutes les « organisations de masse », veut phagocyter l’Onec. Le soldat Moussa Touati résiste quelques mois avant de céder. Il est débarqué de la présidence de l’organisation et entame une traversée du désert.

Nationalisme et populisme

L’évolution politique du pays lui offre une nouvelle chance. En 1992, le processus électoral est interrompu par l’armée, qui craint un raz-de-marée islamiste. Chadli est « démissionné » et le FLN en rupture de ban avec le système. Touati, mettant à profit sa disgrâce, réintègre la « famille révolutionnaire » en fondant la Coordination nationale des enfants de chouhada (Cnec), qu’il met au service du pouvoir en développant un discours légitimant le coup de force de l’armée contre la menace islamiste. Après un mandat à la présidence de la Cnec, il annonce, en 1996, son intention de créer un parti politique. Trois ans plus tard, il dépose un dossier d’agrément auprès du ministère de l’Intérieur. En 2000, il est officiellement désigné président du FNA à l’issue du congrès constitutif. Le FNA participe à ses premières élections en 2002 et enregistre des résultats honorables. Une législature plus tard, c’est la percée : le nombre de députés FNA passe de 2 à 16. La formation de Touati dirige près de 10 % des communes du pays et revendique quelque 300 000 militants. Un chiffre fantaisiste quand on sait que le Rassemblement ­national démocratique (RND), du Premier ministre Ahmed Ouyahia, n’en compte que 150 000. Teinté de nationalisme et de ­populisme, le discours du FNA est une litanie de slogans creux. Exemples : « Notre programme économique repose sur ­l’emploi des jeunes » ou encore : « Nous sommes le parti des zawaliya [laissés-pour-compte, NDLR] ». C’est avec ce genre de formule que le FNA réussit à réunir près de 2 millions de voix lors des municipales d’octobre 2007.

Bien que sa famille politique, les nationalistes, soit au pouvoir, Moussa Touati inscrit son action dans l’opposition. Chassant sur les terres électorales du FLN et du RND, le FNA se démarque en refusant « l’allégeance aveugle à Bouteflika ». Anti-Français dans l’âme (« [La France] a tué mon père »), Moussa Touati est hostile à toute idée de traité d’amitié avec l’ancienne puissance coloniale. Son opposition au pouvoir est jalonnée de prises de position courageuses, comme le soutien qu’il apporte en 2004 à Ali Benflis, rival de Bouteflika. Ses députés se sont d’ailleurs abstenus lors de l’adoption, le 12 novembre 2008, de la révision de la Constitution qui permet au président Bouteflika de briguer un troisième mandat. Souvent présenté comme un lièvre, Moussa Touati estime qu’il a toutes ses chances en 2009 : « Le FNA a surpris les observateurs lors des législatives de mai 2007, il a confirmé sa performance électorale lors des municipales d’octobre 2007. Il n’y a pas de raison pour qu’on ne soit pas présent au second tour. » Moussa Touati n’a peur de rien. Pas même du mouvement de dissidence animé par quelques élus du parti qui lui reprochent de trop s’opposer au ­pouvoir.

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