Avis de mistral sur le Maghreb

Très dépendantes de l’Union européenne, les entreprises tunisiennes et marocaines ne devraient pas tarder à subir les effets du ralentissement de l’activité sur le Vieux Continent. Un test pour l’UPM, chère à Nicolas Sarkozy.

Publié le 11 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

« Un mistral [vent froid] venu du Nord va souffler assez fort et atteindre les économies méditerranéennes, y compris celle de la Tunisie. » C’est en ces termes que Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la Banque européenne des investissements (BEI), a parlé des effets de la crise financière et économique sur les pays de l’Afrique du Nord. C’était le 29 novembre, à Tunis, lors d’un symposium international organisé dans le cadre de la célébration du cinquantième anniversaire de la création de la Banque centrale de Tunisie (BCT).

Deux jours auparavant, le 27 novembre, aux Journées de l’entreprise, l’équivalent maghrébin du Forum de Davos, organisées par l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) dans la station balnéaire de Port el-Kantaoui, près de Sousse, on a entendu un « avis de tempête » similaire. Celle-ci, estiment les spécialistes, devrait atteindre les rivages nord-africains d’ici à six mois. « Vous allez avoir du mal à exporter comme avant, et cela pendant trois ans », a prévenu, devant plus de cinq cents chefs d’entreprise et décideurs, le Français Jean-Louis Reiffers, directeur du Centre d’économie et de finances internationales (Cefi) de l’Université de la Méditerranée.

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Un point de croissance en moins

Les pays maghrébins les plus concernés sont la Tunisie et le Maroc qui ne vivent pas de la rente pétrolière comme l’Algérie et la Libye – et, dans une moindre mesure, la Mauritanie. Le ralentissement des économies européennes se traduit déjà par une baisse dans les carnets de commandes des entreprises tunisiennes et marocaines. Chacun des deux pays en a tenu compte, baissant d’un point ses prévisions de croissance pour 2009, qui se situent, au stade actuel, à 5,1 %. Une telle coïncidence de taux illustre la similitude des niveaux de développement économique et d’ouverture vers l’extérieur des deux pays, avec une forte concentration sur la zone de libre-échange avec l’Union européenne (UE), qui représente environ 80 % de leurs échanges commerciaux et constitue la source principale des flux d’investissements directs étrangers (IDE). De ce fait, tout en ne cédant pas à l’alarmisme, les gouvernements tunisien et marocain se sont engagés à soutenir leurs entreprises. De son côté, dans un discours lu en son nom par Taoufik Baccar, gouverneur de la BCT, au symposium du cinquantenaire, le président Zine el-Abidine Ben Ali a exprimé le vœu qu’en réponse à la crise les pays de l’Union du Maghreb arabe (UMA) accélèrent la cadence du processus d’intégration maghrébine.

Mais, à une crise ­importée d’Europe la solution ne peut être qu’euro-maghrébine. Et doit donc être trouvée dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée (UPM), créée en juillet 2008 à l’initiative du président français Nicolas Sarkozy avec le soutien de l’UE et des pays de la rive sud pour relancer le processus de Barcelone, tombé en panne, comme l’UMA. « Il est regrettable, déclare Afif Chelbi, ministre tunisien de l’Industrie et de l’Énergie, qu’il n’y ait pas eu, jusqu’à ce jour, d’initiative de l’UPM pour faire face aux répercussions de la crise financière internationale sur les économies de la région, alors que se multiplient les initiatives à ce sujet. Les plans de relance gagneraient à ne pas se limiter à l’Europe, ou à des pays isolément, mais à englober aussi l’UPM. »

Du point de vue des Tunisiens, les entreprises européennes n’ont d’autre choix, pour s’en sortir et réaliser des gains de compétitivité, que d’accroître leurs investissements dans les pays de proximité au sud de la Méditerranée. C’est pourquoi Tunis demande qu’aux projets prioritaires de l’UPM pro­posés par l’UE s’ajoute un autre, portant sur la promotion de l’investissement et du partenariat. Concrètement, le Premier ministre tunisien Mohamed ­Ghannouchi estime que le meilleur geste que l’UE pourrait faire à cet égard serait d’accorder aux pays de la rive sud les avantages dont bénéficient certains États membres de l’UE en retard (voir encadré). « La crise, a souligné l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin à l’ouverture de la rencontre de Port el-Kantaoui, dont il est un habitué, devrait être un levier pour raffermir le partenariat Euro-Med. C’est une occasion et une chance. » L’appel sera-t-il entendu ?

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