Bernard Mouralis

Spécialiste de littératures africaines (Mudimbe ou le Discours, l’Écart et l’Écriture, Présence africaine, 144 p.)

Publié le 8 décembre 2008 Lecture : 1 minute.

Jeune Afrique : Pourquoi l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss n’a pas eu d’échos parmi les africanistes ?

Bernard Mouralis : Si l’Afrique ne s’est pas beaucoup intéressée à Lévi-Strauss, c’est parce que ce dernier lui-même ne s’est jamais beaucoup intéressé à l’Afrique. Les anthropologues africains se réclament davantage de Georges Balandier et de Michel Leiris. Contemporains de Lévi-Strauss, ceux-ci lui reprochaient de faire peu de cas dans ses travaux scientifiques de la situation de profonde inégalité sociale dans laquelle les sociétés amérindiennes étaient plongées. Ils ne compre­naient pas comment Lévi-Strauss pouvait étudier les systèmes de parenté et d’alliance chez les Indiens sans tenir compte des conséquences que peuvent avoir sur l’organisation sociale de ces peuples la marginalisation dont ils étaient victimes.

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Avec ses théories sur la diversité des cultures et le relativisme culturel, Lévi-Strauss avait toutefois fait bouger l’image de l’Afrique prélogique.

Les ethnologues africains ont été enthousiasmés par cet aspect de la pensée de Lévi-Strauss. Ce dernier a été l’un des premiers ethnologues occidentaux à contester la hiérarchie des cultures. Il dit que certaines sociétés peuvent être en avance sur d’autres dans certains domaines et arriérées dans d’autres, sans que tout cela ne recoupe la dichotomie sauvage/civilisé qui a déterminé pendant longtemps la pensée ethnologique.

Qu’est-ce qui a conduit les sciences sociales africaines représentées par des intellectuels comme V.Y. Mudimbe à prendre leurs distances par rapport à la pensée de Lévi-Strauss ?

Lévi-Strauss dit que la société fonctionne selon des structures inconscientes. Seul l’anthropologue peut déceler sa règle de fonctionnement, qui échappe à ses membres. Or Mudimbe et ses amis philosophes ont été très choqués par cette proposition qui réduit l’homme africain à un objet d’étude. D’où la nécessité pour eux de refonder les savoirs africains avec l’Africain comme source et sujet de cette réflexion.

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