Vent de grand nord sur Marrakech

Moins glamour que les précédentes éditions, le Festival de Marrakech a néanmoins tenu ses promesses. Et confirmé le renouveau du cinéma de l’est et du nord de l’Europe.

Publié le 8 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Bien qu’un ton en dessous des années précédentes quant à la présence des stars et la fréquence des fêtes, le Festival de cinéma de Marrakech, pour sa huitième édition, n’a pas failli à sa réputation. Il s’installe de plus en plus dans le paysage des grandes manifestations dévolues au septième art. Le programme avait de quoi satisfaire les plus exigeants des critiques et le public local, convié à voir toutes les œuvres présentées.

Le président du jury, Barry Levinson, pourtant détenteur de plusieurs oscars (dont deux pour Rain Man avec Dustin Hoffman), ne pouvait sans doute pas prétendre à une aura équivalente à celle des Milos Forman, Jeanne Moreau et autres Polanski qui l’ont précédé dans ce rôle. Et si Sigourney Weaver est revenue « bouleversée » de l’accueil que lui ont réservé 30 000 Marocains sur la place Jemaa ­el-Fna, son apparition a suscité moins de frénésie que celle de ­Leonardo DiCaprio ou de Martin Scorsese au même endroit, les années précédentes.

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Mais le niveau de ce qui fait le cœur même du festival, les sélections de films, reste remarquable. La rétrospective des quarante dernières années du cinéma britannique a été à la hauteur de celles consacrées lors des éditions précédentes aux cinémas égyptien, italien ou espagnol. Quant aux hommages à Michelle Yeoh, Andrei Konchalovsky, Sigourney Weaver et – in absentia bien sûr – à ­Youssef Chahine et Alfred Hitchcock (auteur en 1956 de l’un des films tournés au Maroc les plus connus avec L’homme qui en savait trop), ils ont permis de voir ou de revoir avec plaisir quelques-unes de leurs compositions à l’écran ou de leurs réalisations les plus marquantes.

Le cru 2008, très varié avec quatorze nationalités représentées et permettant de vraies découvertes, n’a pas déçu. Par les récompenses qu’il a attribuées, le jury a confirmé le renouveau du cinéma de l’est et du nord de l’Europe. Ainsi, après l’excellent long-métrage d’Estonie Autumn Ball, primé en 2007, c’est au tour du très beau film russe Dikoe Pole (Wild Field en version anglaise) de recevoir l’Étoile d’or. Réalisé par le cinéaste géorgien Mikheil Kalatozishvili, il raconte le quotidien d’un jeune médecin qui a décidé de tout quitter pour aller travailler dans une région déserte de la steppe kazakhe. Le prix d’interprétation masculine est par ailleurs allé à Eero Aho, héros idéaliste d’un film très dur et très poignant (Tears of April) sur une guerre civile sans merci qui opposa, en Finlande, pro- et anti-bolcheviks au début du siècle dernier.

« Message » humaniste

Les autres prix décernés vont à deux films, l’un américain et l’autre chinois, dont les sujets sont également radicaux et sombres, venus du froid, mais dont le « message » se veut là encore humaniste. Le premier, Frozen River, raconte comment une mère de famille dans la misère se retrouve passeur d’immigrés clandestins entre les États-Unis et le Canada, au travers d’une réserve indienne. Il a valu le prix d’interprétation féminine à Melissa Leo. Le second, The Shaft, prix du jury, décrit la vie d’une famille de mineurs dans une région montagneuse reculée de l’empire du Milieu, impressionnant de maîtrise pour un premier film, aux images superbes.

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La décision de la direction du festival, depuis 2004, de donner la priorité aux films plutôt qu’aux « paillettes » continue de produire ses effets. Un pari à long terme. Mais le seul qui peut assurer l’avenir de ce qui est pour l’instant déjà la plus imposante manifestation cinématographique d’Afrique et du monde arabe.

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