À la recherche d’un second souffle

Dix ans après son élection, Hugo Chávez est confronté à l’usure du pouvoir : aux élections régionales, l’opposition progresse. Et la baisse des cours du pétrole n’arrange rien.

Publié le 8 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

C’est le paradoxe de ce scrutin. Sur le papier, tout le monde a gagné : les opposants à Hugo Chávez, qui, le 23 novembre, ont remporté trois nouvelles provinces, portant ainsi à cinq – sur vingt-deux – le nombre de gouverneurs issus de leurs rangs ; et le leader de la révolution bolivarienne, qui conserve une confortable avance – plus de 1,5 million de voix – sur ses adversaires. Bref, l’opposition progresse, mais le pouvoir n’est pas menacé.

Quand on entre dans le détail, c’est une tout autre affaire. Il y a d’abord la victoire surprise de l’opposition à Caracas. Une sacrée épine dans le pied du président. Il y a, surtout, les réalités démographiques et économiques qui viennent bousculer la simple arithmé­tique électorale. Les cinq États désormais acquis à l’opposition rassemblent la moitié de la population du Venezuela, la plus grande partie des installations pétrolières et l’essentiel des activités industrielles. Autrement dit, les forces vives du pays échappent désormais au contrôle direct du régime.

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Les inconditionnels de Chávez hausseront les épaules. Que les zones les plus urbanisées et les plus riches l’abandonnent n’est, au fond, pas si grave pourvu qu’il conserve l’appui des pauvres. Or, justement, le tribun n’est plus aussi populaire que par le passé dans ce secteur de la population. À preuve, la victoire du représentant de l’opposition, Carlos Ocariz, dans le quartier le plus miséreux et le plus violent du pays, Petare, une des agglomérations qui forment le Grand Caracas. Revers d’autant plus cinglant que, dans ce quartier peuplé en très grande majorité de Noirs et de métis, un Blanc comme Ocariz avait, a priori, peu de chances de s’imposer.

Tributaire du pétrole

Le 6 décembre, Chávez fêtera le dixième anniversaire de son accession au pouvoir. Si le régime ne semble pas menacé sur ses bases, la révolution bolivarienne donne cependant des signes d’essoufflement. Déjà, il y a un an, Chávez avait enregistré un premier revers électoral : 51 % des Vénézuéliens s’étaient prononcés contre son projet d’abroger la limitation du nombre des mandats présidentiels.

Mais le président ne semble pas se résoudre à l’idée d’abandonner définitivement le pouvoir en 2013, à l’éché­ance de son actuel mandat. À peine les résultats du scrutin régional étaient-ils proclamés que le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), la formation chaviste, annonçait son intention de réclamer un nouveau référendum sur cette question.

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Un entêtement que le chef de l’État justifie par l’ampleur de la tâche à mener à bien. Las, à l’heure du premier bilan, il n’est pas certain que celui-ci soit à la hauteur des espérances. Car le Venezuela reste totalement tributaire de sa rente pétrolière. L’importation systématique des produits de base a freiné le développement d’une agriculture moderne et l’essor des PME. Carences d’autant plus criantes que la crise alimentaire mondiale frappe aujourd’hui le pays.

La récente baisse du prix du baril restreint les marges de redistribution et menace les programmes sociaux lancés par le Caudillo de Caracas : santé pu­blique, alphabétisation, enseignement, partage des terres… Déjà la bureaucratie et la corruption ont eu raison des enthousiasmes populaires. Si les crédits venaient à manquer, la colère pourrait bien succéder à la déception.

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Sur la scène internationale, Chávez tente d’apparaître comme l’homme fort de la région. À cet effet, il multiplie, depuis le mois de septembre, exercices et manœuvres avec les forces russes. Il s’agit également d’indisposer le puissant voisin nord-américain et de faire vibrer, dans l’opinion vénézuélienne, la corde « anti-Yankee », ressort fédérateur s’il en est.

Histoire sans doute d’entretenir ce fonds de commerce, le vibrionnant leader a annoncé, le 25 novembre, qu’il allait se rendre très prochainement en Iran. « J’ai une dette envers le président frère Ahmadinejad », a-t-il précisé avec son sens inné de la provocation. Si la nouvelle administration américaine avait des velléités d’apaiser ses relations avec le Venezuela, celles-ci sont d’ores et déjà sabordées. Et Chávez aura beau jeu de se poser une nouvelle fois en « victime de l’impérialisme ». 

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