Si je t’oublie, Jérusalem…
Le problème numéro un pour un président américain est de séparer ce qui est urgent de ce qui est important. La pression est telle que, pour lui, le long terme, c’est généralement « cet après-midi au plus tard ». La plupart du temps, il se trouve prisonnier de l’immédiat, et Barack Obama n’échappe pas à la règle. Déjà, les services de renseignements l’abreuvent de notes, ses conseillers jouent des coudes pour attirer son attention sur tel ou tel danger, les alliés de l’Amérique l’informent de leurs priorités.
Certes, la conclusion d’un accord commercial mondial, la réorganisation du système financier, la concertation sur le changement climatique, l’adoption d’un programme de réduction des armes nucléaires, la mise en place d’une nouvelle stratégie en Afghanistan, la restauration de la stabilité politique en Irak et la conclusion d’un accord de paix israélo-palestinien constituent des problèmes importants et, pour certains, urgents. On pourrait ajouter à la liste le nucléaire iranien, les relations avec la Chine, la Corée du Nord, la Russie, l’Europe ou l’Inde. Mais la région sur laquelle le président élu ne pourra en aucun cas faire l’impasse, c’est le Moyen-Orient.
Pendant la campagne, il s’est engagé à retirer rapidement les troupes américaines d’Irak, à relancer le combat contre les talibans afghans et à expulser Al-Qaïda des zones tribales du Pakistan. Quant à la question iranienne, elle constituera un test à la fois de sa stratégie diplomatique et des relations de l’Amérique avec ses alliés.
Bien entendu, tout est lié. D’éventuels progrès en Afghanistan dépendent de la coopération avec l’Iran et le Pakistan. Il est peut-être trop tard pour empêcher Téhéran de se doter des moyens de fabriquer une bombe nucléaire, mais pas pour le convaincre de ne pas se lancer dans une course aux armements nucléaires, à condition de prendre en compte ses problèmes de sécurité. D’un autre côté, la stabilité d’un gouvernement irakien à majorité chiite et soutenu par l’Iran dépend du bon vouloir des voisins arabes sunnites.
La pièce la plus importante de ce puzzle multidimensionnel est toutefois le conflit israélo-palestinien. Celle qui, plus qu’aucune autre, déterminera l’attitude de la région à l’égard des États-Unis. Sur presque tous les autres points, le mieux qu’Obama puisse espérer est de réussir à éteindre l’incendie. Mais un accord entre Israël et les Palestiniens changerait la donne en profondeur. Or c’est sur cette question qu’il a fait le moins de promesses. Certes, il s’est déclaré favorable à la solution des deux États, et l’on parle de la possible nomination d’un envoyé spécial qui siégerait en permanence à la table des négociations. Mais rien n’indique qu’il soit disposé à investir l’énergie et le capital politique nécessaires à la conclusion d’un accord.
L’hypothèque Netanyahou
S’il faut en croire les sondages, il est peu probable que les élections israéliennes permettent de constituer une coalition qui aurait l’autorité nécessaire pour imposer un échange terre contre paix. Benyamin Netanyahou, l’intransigeant leader du Likoud, peut fort bien devenir Premier ministre. La dernière fois qu’il l’a été, il a tout fait pour saborder les accords d’Oslo. Lors de la tournée d’Obama au Proche-Orient, en juillet, l’entretien entre les deux hommes ne s’est apparemment pas bien passé. De leur côté, les Palestiniens restent divisés. Le Hamas refuse toujours de reconnaître Israël, comme le lui demande la communauté internationale. En l’absence, côté israélien, d’un interlocuteur désireux d’aboutir, on voit mal ce qui pourrait inciter le Fatah et le Hamas à surmonter leurs désaccords. Pourquoi Obama devrait-il s’embarquer dans cette galère ? Pour plusieurs bonnes raisons.
Les premières années de sa présidence constituent sa meilleure chance, peut-être la seule, de faire aboutir la solution des deux États. Les obstacles sont considérables (démographie, mur de séparation avec la Cisjordanie, colonies israéliennes, intransigeance palestinienne à Gaza), mais la victoire d’Obama lui a conféré auprès des Israéliens, des Palestiniens et des Arabes en général toute l’autorité qu’un président américain peut souhaiter. Ce précieux capital ne peut que s’éroder avec le temps.
Un effort sérieux et impartial pour promouvoir la paix entre Israël et les Palestiniens désamorcerait l’accusation selon laquelle la politique américaine dans la région relève du deux poids deux mesures. La création d’un État palestinien ne suffirait pas à restaurer la confiance entre l’Occident et le monde islamique. Elle n’empêcherait pas Al-Qaïda de trouver d’autres raisons d’attaquer l’Amérique. Mais elle changerait en profondeur la dynamique au Proche-Orient.
La tâche est difficile, ingrate. Mais c’est le choix fondamental qui s’impose à Obama. Veut-il vraiment redessiner la carte stratégique du Proche-Orient et redéfinir le rôle de l’Amérique dans le monde ? Ce serait ça le vrai changement.
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