Le front du « non »
Adoptée le 12 novembre, la révision de la Constitution ne fait pas l’unanimité. Parmi ses principaux pourfendeurs, le général Benyellès, qui ne craint pas de forcer le trait.
L’adoption, le 12 novembre, d’une révision de la Constitution permettant au président Abdelaziz Bouteflika de briguer un troisième mandat n’a pas tardé à faire débat. Premier à dégainer : le général à la retraite Rachid Benyellès. Cet ancien dignitaire (il a été chef d’état-major de la Marine nationale et ministre des Transports du président Chadli Bendjedid) a rompu avec le régime en octobre 1988, au lendemain de la répression des manifestations de jeunes.
Farouchement opposé à Abdelaziz Bouteflika, le général Benyellès, 68 ans, a choisi, dans un premier temps, la presse nationale francophone (El Watan) et arabophone (El Khabar), puis la presse française (le quotidien Le Monde dans son édition du 11 novembre) pour rendre public un pamphlet intitulé « Non à la présidence à vie ! » Dressant un bilan sombre des deux mandats du chef de l’État, Rachid Benyellès déplore que « la démocratie et l’alternance ne [fassent] pas partie du lexique de l’Algérie de M. Bouteflika, ni de celui de toutes les contrées arabes, qui, sans exception, demeurent dirigées par des régimes autocratiques ». À la décharge de celles-ci, leurs dirigeants peuvent se prévaloir de réalisations à faire « pâlir d’envie nos concitoyens ». Le général à la retraite évoque une non-gouvernance ayant abouti à un recul des indices de développement humain et des libertés publiques. Résultat : « des institutions marginalisées », des partis politiques qualifiés de « coquilles vides ».
La réponse à ce réquisitoire n’est venue ni de l’Alliance présidentielle ni d’un intellectuel réputé proche d’Abdelaziz Bouteflika. Ali Mebroukine, 53 ans, universitaire, avocat et ex-chargé de mission du président Liamine Zéroual, a publié, le 15 novembre, une tribune dans Le Quotidien d’Oran, où il reproche au général à la retraite de ne se manifester, depuis 1999, que tous les cinq ans, à l’approche de chaque élection présidentielle. Il reproche à l’ex-officier supérieur, comme à de nombreux anciens dirigeants, « des incursions médiatiques ciblées dont le tempo [est] réglé pour la circonstance », alors qu’on attend d’eux une plus grande implication par la création d’espaces de dialogue, « qu’ils animent des clubs de réflexion non pas pour s’opposer systématiquement au pouvoir en place mais pour lui suggérer des alternatives appropriées ».
On ne peut imputer la faillite du système au seul Bouteflika
Loin de partager l’idée de l’imminence d’une apocalypse pour l’Algérie, Ali Mebroukine ne défend pas pour autant Abdelaziz Bouteflika aveuglément. Mais il récuse l’analyse qui consiste à imputer la faillite d’un système qui gouverne le pays depuis 1962 au seul président de la République et à considérer que tous les maux dont souffre l’Algérie sont nés en 1999, année du retour aux affaires de Bouteflika après une éclipse de vingt ans. Sans sombrer dans le plaidoyer courtisan, Ali Mebroukine démonte, une à une, les attaques de Rachid Benyellès à propos de « la dégradation de la situation sécuritaire, de la détérioration de la situation des droits de l’homme, enfin de la tiédeur des investisseurs étrangers à l’égard de notre pays ».
À ceux qui, comme Rachid Benyellès, ou le quotidien El Watan, présentent le scrutin présidentiel de 2009 comme une élection fermée, l’universitaire assure qu’une alternative à Abdelaziz Bouteflika, 71 ans, existe : Liamine Zéroual, 68 ans (« l’âge du général de Gaulle en mai 1958 », précise-t-il), général à la retraite, ex-président de la République, élu en 1995 et démissionnaire trois ans plus tard. « Si Rachid Benyellès et bien d’autres redoutent autant qu’ils le prétendent un nouveau mandat de Bouteflika, qu’ils se mobilisent […] pour appeler à une candidature du démocrate Liamine Zéroual. » Seulement voilà, l’intéressé coule une retraite paisible dans sa ville natale, Batna, loin du bruit et de la fureur de la capitale.
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