Nino Vieira dans la ligne de mire

Le président de la République a échappé le 23 novembre à une tentative de coup d’État.

Publié le 8 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Après l’attaque armée dont sa résidence a été la cible la nuit du 22 au 23 novembre dernier, João Bernardo « Nino » Vieira s’est dit « surpris ». Si l’on en croit un de ses proches, le président bissau-guinéen ne s’attendait pas à une telle agression. Surtout après les législatives du 16 novembre jugées « libres et transparentes » par les observateurs internationaux (voir J.A. n° 2498), et qui se sont soldées par la victoire du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), qui a obtenu 67 des 100 sièges à pourvoir.

Une première tentative de coup d’État depuis sa réélection à la tête du pays, en juillet 2005, avait déjà été déjouée en août dernier. Son instigateur présumé, l’amiral Americo Bubo Na Tchuto, soupçonné en outre d’être lié avec les narcotrafiquants, s’était ensuite enfui vers la Gambie, où il se trouve toujours. Plusieurs gradés supposés proches de lui avaient alors été mutés loin de Bissau. Parmi eux, le cerveau de la récente offensive, le sergent N’Tcha Yala, qui aurait vraisemblablement agi sous ses ordres. Les frustrations au sein de l’armée ne sont pas étrangères à ces actions. Avec environ 10 000 hommes pour une population de 1,6 million de personnes, la Guinée-Bissau est le pays le plus militarisé de la sous-région. Avec, dans le meilleur des cas, une solde annuelle de 400 dollars, les soldats sont touchés de plein fouet par la pauvreté, « à moins qu’ils ne s’acoquinent avec les trafiquants de drogue, souligne un observateur. Et la mise à l’écart de nombreux cadres formés à l’étranger à la faveur de subordonnés nommés à des postes de responsabilité n’est pas pour apaiser la tension », ajoute-t-il.

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Sur le plan politique, Nino Vieira compte des adversaires connus. L’ex-président, Kumba Yala, qui n’est autre que l’oncle du sergent N’Tcha Yala, est l’un des plus virulents. Élu en 2000, renversé par un coup d’État trois ans plus tard et adversaire malheureux de Nino Vieira à la présidentielle de 2005, il est actuellement sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire.

Et puis, bien qu’il ait été pendant près de quarante ans un membre influent du PAIGC, Nino Vieira ne fait pas l’unanimité au sein du mouvement. Il en a d’ailleurs été exclu après la guerre civile de 1999. Certains caciques du parti auraient même soutenu le putsch perpétré cette même année par le général Ansumane Mané contre Vieira. Affaiblis par la montée en force d’une nouvelle génération de leaders incarnée par le nouveau président du parti, Carlos Gomes Junior, les caciques verraient toutefois d’un mauvais œil la main tendue par cet ancien (et probable futur) Premier ministre au président Vieira.

Entre grogne dans les casernes et remous politiques sur fond de corruption et de trafic de drogue, l’avenir de la Guinée-Bissau s’annonce plutôt tendu. Pour faire front, Nino Vieira devra gagner les faveurs du PAIGC pour ne pas avoir à composer avec un gouvernement qui lui serait hostile. Il devra aussi être à l’écoute des militaires. Enfin, il devra convaincre la communauté internationale de sa volonté d’éradiquer le trafic de drogue, de restructurer l’armée et de promouvoir la bonne gouvernance.

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