Wade et ses « enfants »
Entre les différents héritiers du chef de l’État, la bataille fait rage. En jeu, le contrôle à terme de la famille libérale.
Idrissa Seck ? Limogé de la primature, exclu du Parti démocratique sénégalais (PDS), emprisonné pendant 199 jours et éjecté de la mairie de Thiès. Macky Sall ? Exclu de la section du PDS de Fatick, son fief, évincé du perchoir de l’Assemblée nationale, contraint à démissionner du parti puis à abandonner ses mandats de député et de maire. Aminata Tall ? Débarquée du gouvernement, contrainte de céder son poste de secrétaire générale de la Fédération nationale des femmes du PDS et empêchée de briguer sa succession à la mairie de Diourbel. Dans la maison du « père », Abdoulaye Wade, 82 ans, les disgrâces succèdent aux disgrâces.
Celle d’Idrissa Seck, « le fils d’emprunt », en rivalité avec Karim Wade, « le fils biologique » (ces expressions sont de Seck), remonte à avril 2004 avant qu’il ne soit accusé, quinze mois plus tard, de malversations dans la gestion des travaux de sa ville de Thiès. « Macky », comme l’appellent ses compatriotes, a payé pour avoir convoqué Karim, sans avertir le chef de l’État, afin qu’il s’explique devant les députés sur sa gestion de l’Agence nationale pour l’Organisation de la conférence islamique (Anoci). « C’est la méthode qui m’a heurté », s’est expliqué Abdoulaye Wade.
Aminata Tall, elle, a été victime de la montée en puissance des militants ou sympathisants de la Génération du concret (GC), le mouvement du fils du président. Les ambitions, affichées ou supposées, de chacun ont certainement joué contre eux.
Dans l’attelage Wade, seuls subsistent Karim Wade, 40 ans, et Pape Diop, 54 ans, « l’aîné de la famille ». Le premier – très discret sur ses intentions – précisait en janvier dernier dans Jeune Afrique : « Si jamais l’envie me prenait de me porter candidat, je ne bénéficierais d’aucun passe-droit. » Depuis, les rumeurs n’ont jamais cessé.
Maire de Dakar, président du Sénat et dauphin constitutionnel du chef de l’État, Pape Diop a, lui, renoncé ostensiblement à toute ambition pour se mettre au service de son « petit frère » Karim. Si ses adversaires lui prêtent un agenda qu’il cache par instinct de survie, il a su tirer des leçons de la disgrâce d’Idrissa Seck. Au sommet de sa puissance, celui-ci avait lancé, à la fin de 2003, à Abdoulaye Wade, en présence de son fils : « Il faut mettre Karim en garde sur les risques qu’il encourt. Jésus est l’unique prophète qui s’est proclamé fils de Dieu. Il a fini crucifié. » C’était le début de sa fin.
Mais, à 49 ans, celui qui fut directeur de cabinet puis Premier ministre de Wade, numéro deux du PDS, avant d’arriver deuxième à la présidentielle de février 2007 sous les couleurs de Rewmi, sa nouvelle formation, estime être le plus légitime pour reprendre l’héritage du « Sopi » (le slogan du PDS). Il en est si sûr que, le 11 octobre, à Dakar, il a lancé à Macky Sall : « Il n’y a que deux formations qui incarnent le libéralisme : le PDS et Rewmi. Si le PDS ne veut plus de vous, adhérez à Rewmi. Devant la déconfiture de notre famille historique, mon parti constitue l’avenir. »
Aujourd’hui âgé de 47 ans, Macky n’a pas suivi ce conseil. Premier ministre d’avril 2004 à mai 2007, président de l’Assemblée nationale de juin 2007 à novembre 2008, il entend prêcher dans sa propre chapelle. Le 14 novembre, cinq jours après avoir perdu le perchoir, le directoire qu’il a mis en place a décidé de créer un parti politique. Le nom, le logo et la devise de cette nouvelle formation ont vite été trouvés. Féru de numérologie, Alioune Badara Cissé, le président du directoire, cherche une date favorable pour déposer la demande de récépissé auprès du ministère de l’Intérieur. Fort du soutien de vingt-deux députés qui ont voté contre la réforme constitutionnelle le destituant, Macky est parti du PDS avec 29 des 33 conseillers municipaux libéraux de Fatick, la responsable des femmes PDS de Tambacounda et des cadres qui ont claqué la porte pour le suivre. Il entend travailler à « une jonction » avec Idrissa Seck et Aminata Tall.
Âgée de 59 ans, cette femme de caractère, ancienne égérie de Wade, a pardonné à Seck de l’avoir écartée de son gouvernement en novembre 2002, et à Macky de lui avoir ravi le Programme national de développement local (PNDL) en 2004, alors qu’elle était ministre d’État chargée des Collectivités locales et de la Décentralisation. Elle n’entend toutefois se ranger derrière aucun des deux, estimant avoir l’épaisseur politique requise pour voler de ses propres ailes.
Pour l’heure, elle rumine son amertume, obligée de céder la tête de la fédération des femmes du PDS à Awa Ndiaye, ministre de la Femme, de l’Entrepreneuriat féminin et de la Microfinance mais aussi active au sein de la Génération du concret. Le mouvement de Karim Wade ne cesse de placer ses pions partout, y compris à la tête des ambassades. À Paris, une de ses sympathisantes, Maïmouna Sourang Ndir, a remplacé Doudou Salla Diop, le 13 novembre dernier. Pour organiser la « foire aux projets », destinée à financer l’insertion professionnelle des jeunes de banlieue, le président Wade a désigné Hassan Bâ, conseiller à la présidence, le même qui sillonne Pikine et Guédiawaye depuis plusieurs mois pour rallier la population à la cause de Karim Wade. Comme l’a récemment déclaré Pape Diop à un confident : « L’ascension de Karim est en marche. Je garantis sa victoire à Dakar. Il est temps que les politiciens professionnels laissent la place aux jeunes. »
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