Une trop longue impunité
Les petits soldats qui, à l’écran, sèment la terreur, tuent, violent, ont quitté leur fauteuil pour regarder Johnny Mad Dog, présenté le 18 novembre en avant-première à Paris, sur les Champs-Élysées. Dagbeh a préféré s’asseoir sur les genoux de Karin Muris, la coach qui a fait travailler les jeunes comédiens. Barry, lui, était à terre, la tête posée sur les genoux de Benoît Jaubert, le producteur associé. À la fin de la présentation, Christopher avait les larmes aux yeux. Tous voyaient le film pour la première fois.
Fallait-il faire jouer ces enfants traumatisés ? Pour Jean-Stéphane Sauvaire, le réalisateur, les enfants savent parfaitement faire la différence entre « jouer » une scène de guerre et la réalité. « Nous avons travaillé sur le corps et les émotions, nous ne leur avons pas demandé de fouiller dans leurs propres vécus. Surtout pas. Ils pleurent sur commande, pour la caméra, pas parce qu’ils sont tristes. Ce sont de vrais acteurs », explique Karin Muris. « Pour les jeunes, ce film ne tient pas lieu de thérapie », estime Marie-Rose Moro, psychiatre spécialiste de l’enfance et de l’adolescence. Et ils sont loin d’être sortis du cauchemar. « Je me souviens d’une maman, venue récupérer sa fille, ancienne combattante, après des semaines de soins auprès de nous. Elle m’a dit : “Merci d’avoir soigné ma fille, même si vous ne l’avez pas guérie”. » On ne guérit jamais vraiment de telles blessures.
Depuis les années 1990, le recrutement d’enfants par les bandes armées, voire les forces régulières, se développe de plus en plus. La secrétaire d’État française aux Droits de l’homme, Rama Yade, affirme avoir fait de la lutte contre ce phénomène une priorité. Depuis 2006 existent les Engagements de Paris, un texte de référence pour lutter contre l’enrôlement des enfants. Pour le moment, seuls 17 États ont signé. Signe encourageant, les premiers recruteurs d’enfants, dont l’un des plus connus d’entre eux, Charles Taylor, commencent à devoir rendre des comptes devant le Tribunal international. Peut-être la fin d’une trop longue impunité.
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