Au bord du gouffre
Matraqué, affamé, coupé du monde, le territoire palestinien est à l’agonie. À telle enseigne que l’ONU et plusieurs pays occidentaux s’en sont émus. Mais Israël n’en a cure.
En violation flagrante du droit international, Israël a une fois de plus renforcé le blocus imposé à Gaza, infligeant une punition collective à son million et demi d’habitants. En raison de la fermeture des points de passage, l’ONU a été dans l’impossibilité d’acheminer l’aide alimentaire dont dépendent 750 000 personnes. Israël a également cessé de livrer du fuel à la seule centrale de la Bande, privant d’électricité la moitié de la population. Matraquée, affamée, coupée du monde, Gaza est au bord du gouffre.
Longtemps indifférente, la communauté internationale semble cette fois réagir avec un peu plus de vigueur. À l’ONU, dans les cercles gouvernementaux à Londres et à Paris, et même à Washington, on a le sentiment que la situation dans les territoires palestiniens n’est plus supportable. Une explosion là-bas pourrait mettre le feu à toute la région.
Douze agences de l’ONU ont souligné la menace d’une crise humanitaire. Le secrétaire général, Ban Ki-moon, a rappelé à Israël qu’il violait les règles humanitaires internationales et les droits de l’homme. Mais l’État hébreu semble indifférent à ces mises en garde. Bien au contraire, dans l’année qui a suivi la conférence d’Annapolis du 27 novembre 2007, censée relancer le processus de paix, Israël a tué 514 Palestiniens et en a blessé 2 112 (dont beaucoup d’enfants). Il a détruit 330 logements, dont 95 à Jérusalem-Est, et autorisé la construction de 2 210 unités d’habitation dans ses colonies illégales de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Parallèlement, la circulation en Cisjordanie a été entravée par quelque 630 postes de contrôle, et la population a été l’objet d’innombrables agressions et humiliations de la part des soldats et des colons. La Suisse a même envoyé à Israël une brève note sèchement rédigée où elle l’accuse de violer la 4e convention de Genève de 1949, qui stipule les obligations des puissances occupantes. Le Royaume-Uni, de son côté, a annoncé qu’il refusait d’accorder des exemptions de taxes sur les produits fabriqués dans les colonies israéliennes de Cisjordanie.
La crise actuelle à Gaza a commencé le 4 novembre, lorsque des soldats israéliens, en violation de la trêve de six mois, sont entrés à Gaza pour détruire un tunnel qui, affirme Tel-Aviv, aurait pu être utilisé pour enlever des soldats de Tsahal. Au cours de l’opération, six membres du Hamas ont été tués. Cinq autres ont trouvé la mort lors d’un raid israélien la semaine suivante. Le Hamas a riposté en tirant ses roquettes artisanales sur Sdérot, dans le Néguev, blessant légèrement un Israélien.
Sauf prolongation, la trêve doit prendre fin le 19 décembre. Les deux parties souhaiteraient la prolonger, mais à leurs conditions. Le Hamas exige l’ouverture des points de passage, mais Israël veut être libre d’assiéger et d’affamer Gaza à volonté, dans l’espoir de faire plier le gouvernement du Hamas. Ce dernier veut que la trêve soit étendue à la Cisjordanie, mais Israël s’y oppose, qui ne semble guère se soucier du grand tort causé à son image et, pis peut-être, de l’influence qu’a eue sur sa jeunesse l’oppression des Palestiniens. Autre conséquence, la haine suscitée chez les Palestiniens et dans le monde arabo-musulman en général. Daniel Barenboïm, le célèbre pianiste et chef d’orchestre, rappelle aux Israéliens que la haine se transmet d’une génération à l’autre, laissant entendre que les crimes actuels de l’État hébreu se paieront dans l’avenir. Barenboïm, pacifiste convaincu, a ajouté un passeport palestinien à ses passeports israélien et argentin.
Salam Fayyad, Premier ministre de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, était à Paris, à la mi-novembre, pour tenter d’obtenir une intervention française qui mette fin à l’expansion de la colonisation, car, dit-il, elle compromet toute chance d’une solution des deux États. « Nous ne pouvons plus attendre, a-t-il déclaré. La communauté internationale doit intervenir pour sauver le processus de paix. » Il a regretté que dans la campagne électorale actuelle, pas un homme politique israélien n’ait jugé nécessaire d’évoquer l’extension des colonies.
Sur la chaîne américaine CNN, l’ex-président Jimmy Carter a révélé que le président élu, Barack Obama, lui avait fait la promesse de s’attaquer au conflit israélo-palestinien dès sa prise de fonctions, en janvier. Puisse-t-il avoir le courage de tenir cette promesse.
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