Sidi, bon pied, bon œil

Transféré dans son village natal, où il est toujours en résidence surveillée, le président déchu n’envisage pas ouvertement de compromis avec la junte au pouvoir.

Publié le 4 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Ses trois mois de résidence surveillée à Nouakchott, Sidi Ould Cheikh Abdallahi les a employés à lire. Beaucoup et de tout : Ma vie, de Bill Clinton, le polar et best-seller suédois Millenium, un essai de l’intellectuel français Jacques Attali (Une brève histoire de l’avenir), un autre sur Nelson Mandela… Pour les obtenir, il lui a fallu griffonner les titres sur de petites notes que les cerbères transmettaient ensuite à sa famille, restée en liberté. Même procédé pour les médicaments et les vêtements.

« Sidi » ne dément pas : pendant son séjour forcé au pavillon des invités du Palais des congrès, à Nouakchott, les militaires qui l’ont renversé, le 6 août, ont veillé à son confort matériel. Les conditions de vie dans son nouvel exil, où il a été transféré le 13 novembre à l’aube, sont plus rudimentaires. Lemden, village de huit cents âmes et quelques mosquées à 200 km au sud-est de la capitale, est isolé du goudron par 30 km d’une piste qui sillonne les dunes.

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À Lemden – où il est né, en 1938 –, Sidi Ould Cheikh Abdallahi est toujours en résidence surveillée. Deux policiers, parfois vêtus en civil, ne le quittent pas des yeux. Mais il peut au moins recevoir : sa famille – son épouse et ses trois enfants l’ont rejoint après son transfert ; ses amis politiques – le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, et celui du Conseil économique et social, Ahmed Ould Sidi Baba, ont fait le trajet depuis Nouakchott ; le chargé d’affaires de l’ambassade américaine, le 17 novembre ; l’ambassadeur de France, ses homologues allemand et espagnol et le représentant de la Commission européenne, le 18.

Rien de tout cela au Palais des congrès, où la compagnie du reclus s’était limitée à celle des gardes et, occasionnellement, d’un médecin. « Je ne lui avais pas parlé depuis trois mois », témoigne sa fille, Amal, chargée de la communication paternelle. Personne pour rendre compte des soubresauts de la vie politique locale, sinon la chaîne de télévision mauritanienne et les stations de radio FM. « Quand nous avons retrouvé le président, il a fallu faire le point, son information était fragmentaire », rapporte Mohamed Ould Maouloud, président du Front national pour la démocratie et le développement (FNDD), la coalition de partis qui milite pour le retour à l’ordre constitutionnel.

Élection anticipée ?

Bon pied, bon œil, Sidi Ould Cheikh Abdallahi a vite compris que la communauté internationale était acquise à sa cause. D’emblée, il a déclaré être le « président légitime ». Et, le 20 novembre, il a même exercé son rôle de chef d’État en s’adressant à ses « compatriotes » dans un discours prononcé depuis Lemden. « Une fois le coup d’État mis en échec, je serai ouvert à toute discussion […] sur l’avenir de nos institutions », a-t-il déclaré.

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Si le président renversé n’envisage pas ouvertement de compromis avec la junte, il ne peut en effet rester sourd aux voix qui, dans son propre camp, proposent une autre sortie de crise. Messaoud Ould Boulkheir, notamment, suggère que, une fois la junte dissoute, Sidi Ould Cheikh Abdallahi remette en jeu son mandat lors d’une élection anticipée (voir J.A. n° 2497). De son côté, une source diplomatique française constate que l’appel à un rétablissement durable du président déposé exacerbe le refus du général Ould Abdelaziz d’abandonner le pouvoir et décuple le soutien de ses partisans, dont le mot d’ordre est « tout sauf Sidi ». Selon la même source, il est donc plus efficace de se contenter d’exiger le départ du général, qui, toutefois, « n’acceptera jamais de partir si Sidi ne démissionne pas ». « Mais c’est au général de faire le premier pas », ajoute-t-elle. Avant d’agiter la menace de sanctions. 

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