Ruzibiza, un témoin versatile
Vénuste Abdul Joshua Ruzibiza est-il un manipulateur ? Ancien lieutenant de l’Armée patriotique rwandaise aujourd’hui exilé en Norvège et auteur du livre Rwanda. L’histoire secrète, l’homme se répand en dénégations dans les médias. Après avoir aidé le juge Jean-Louis Bruguière dans son enquête sur les événements de 1994 au Rwanda, qui a conduit à lancer des mandats d’arrêt contre neuf personnalités rwandaises, il effectue une volte-face inattendue. D’abord, il minimise son rôle de témoin et ses rapports avec le juge français : « Je ne sais pas pourquoi on me qualifie de “témoin principal” alors que j’ai rencontré Bruguière cinq ans après qu’il eut commencé son enquête », a-t-il confié à Jeune Afrique au téléphone depuis Oslo. « J’ai été mis en contact avec lui par les services français au cours de l’été 2003. Je l’ai rencontré pendant une demi-heure et il ne m’a même pas posé de questions. Le travail avait déjà été réalisé par un policier et je n’ai fait que signer le texte. »
Ruzibiza soutient aussi que toutes les accusations portées contre le Front patriotique rwandais (FPR), notamment son rôle dans l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, sont fausses. « J’ai tout inventé, clame-t-il aujourd’hui. On peut inventer n’importe quoi pour savoir ce que prépare l’ennemi », ajoute-t-il, énigmatique. « Je considère la France comme un pays hostile, un adversaire. Je veux parler de ces politiciens qui ont mené mon pays vers la destruction totale. » Alors que dans son livre il raconte que Rose Kabuye, à l’époque major de l’APR, a participé à l’organisation systématique du pillage de la ville de Kigali, Ruzibiza tient aujourd’hui un tout autre discours. Désapprouvant l’arrestation de la directrice du protocole de Paul Kagamé, il soutient qu’elle est « totalement innocente en ce qui concerne les opérations militaires. Elle n’y a jamais participé et a toujours travaillé dans l’administration et la gestion du personnel. La mêler à des opérations spéciales, c’est vraiment aller au-delà du raisonnable ».
En se rétractant, l’ancien lieutenant se réfugie derrière la manipulation dont il aurait été l’objet de la part des Français, et à laquelle il aurait lui-même recouru en leur racontant « n’importe quoi ». Il accuse aussi ceux qui l’ont aidé à rédiger son livre – l’éditrice, les préfaciers – d’avoir partie liée avec les services français. Il reconnaît néanmoins avoir décidé d’écrire de son plein gré, même si d’autres sont intervenus. Le problème maintenant est de savoir à quel moment Ruzibiza dit la vérité. A-t-il décidé de changer de ton parce qu’il ne peut pas, comme il le dit lui-même, « être l’ennemi de son propre pays » ? Ou simplement dans un souci de faire éclater la vérité au grand jour ? Quoi qu’il en soit, son revirement porte atteinte à la crédibilité du dossier. Jouant avec les mots, il ne se prive pas d’ajouter : « Je n’ai jamais été témoin. J’ai simplement parlé avec le juge Bruguière. »
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