Dix noms dans une enveloppe
C’est une simple enveloppe, scellée à la cire rouge, mais elle met le monde politique kényan en émoi. Confiée à Kofi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations unies, par le juge Philip Waki, président de la Commission sur les violences post-électorales (CPEV), elle contient les noms d’une dizaine de personnalités soupçonnées d’être responsables des heurts qui ont suivi l’élection présidentielle de 2007 (1 133 morts et 300 000 déplacés)…
Les noms n’ayant pas été rendus publics, la rumeur court et l’angoisse monte au sein de la coalition au pouvoir. À l’image de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire quand circulait la fameuse « liste noire ». Soulignant les responsabilités partagées de la police, des administrations locales, des hommes politiques et des médias, le rapport Waki réfute toute idée d’amnistie et exige la création d’un tribunal spécial. Si ces recommandations ne sont pas mises en œuvre avant le 1er mars, l’enveloppe sera transmise à la Cour pénale internationale. Le procureur Luis Moreno-Ocampo a d’ores et déjà fait savoir que celle-ci était prête à agir.
Déjà paralysée par ses divisions, la coalition trouve là un nouveau sujet de discorde. Même s’il demande l’application du rapport, le président Mwai Kibaki reste dans le vague. Selon lui, « pour que la réconciliation soit possible, la justice doit être tempérée par le pardon ». Le vice-président Kalonzo Musyoka va dans le même sens et s’oppose à l’idée de « rouvrir des plaies qui commencent à guérir ». En revanche, le Premier ministre Raila Odinga souhaite la mise en œuvre complète du rapport… alors même que certains membres de son parti, le Mouvement démocratique orange (ODM), et plusieurs ministres qui en sont issus jugent qu’il contient des « erreurs incorrigibles ».
Une solution n’est toutefois pas exclue. « Nous discutons pour trouver une issue, nous ne nous disputons pas, nuance Raila Odinga. Les gens exercent leur droit de s’exprimer. En ce qui concerne le rapport Waki, nous débattons de la possibilité de juger les responsables au Kenya ou d’abandonner le problème à la Cour pénale, où nous n’aurons pas notre mot à dire. »
Selon un sondage paru le 18 novembre, 55,8 % des Kényans souhaitent la mise en œuvre du rapport. Tout comme l’Union européenne, qui, dans le cas contraire, menace de retirer son soutien budgétaire.
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