Québec : dites-le en français

Publié le 1 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

«Pouvez-vous me dire où est le Centre de conférences ? » L’agent de sécurité bredouille quelques mots en anglais. Je comprends… qu’il ne comprend pas le français ! Des policiers unilingues anglophones avaient en effet été dépêchés par Ottawa au Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Québec du 17 au 19 octobre.

L’information a fait scandale. Certes, la conférence des chefs d’État et de gouvernement était coorganisée par le Canada (ainsi que par le Nouveau Brunswick, un peu oublié dans l’affaire), mais quand même ! Monique Gagnon-Tremblay, ministre québécoise des Relations internationales, a dû reconnaître que pour pourvoir aux besoins de sécurité de la manifestation (plus de 3 000 agents mobilisés !), il avait fallu recruter un peu partout à travers le Canada. Toutefois, normalement, a-t-elle précisé, les policiers unilingues n’auraient pas dû être en contact avec le public.

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Anglicismes interdits

C’est que l’on ne plaisante pas avec la langue française – dont la loi impose l’utilisation dans les lieux publics – sur les bords du Saint-Laurent. Une petite balade par la rue Saint-Jean, l’une des principales artères commerçantes de la vieille ville, suffit pour s’en convaincre. D’abord, pas de parking, mais du parcage. On ne fait pas de shopping, mais du magasinage. Nulle formulation anglaise (ou très peu) dans les enseignes ou sur les vitrines. Pas de pressings, mais des nettoyeurs. Ici, le discount se dit rabais. Et, dans les librairies, les best-sellers sont « les meilleurs vendeurs ».

Visite dans les locaux du Soleil, l’un des grands titres de la presse québécoise. Un rédacteur en chef nous fait traverser une immense salle où quelques dizaines de journalistes sont affairés derrière leur ordinateur. C’est le pupitre, commente-t-il. À Paris, on aurait dit le desk.

À l’Institut d’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF), établi à Québec, un conférencier lâche à un moment donné le mot e-mail. Il se reprend aussitôt, confus : « Courriel, pardon. » Cinq minutes plus tard, nouveau lapsus et nouvelles excuses quand il utilise guiding line à la place de ligne directrice.

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Le français du Québec a aussi ses particularités qui peuvent amuser le francophone étranger. Sur les parcmètres, on lit débarcadère au lieu de stationnement. Au restaurant, on utilise des ustensiles et non des couverts. Une boisson est un alcool, un breuvage désigne un jus de fruit ou un soda…

Le Français d’origine provinciale voit pour sa part remonter de vieux souvenirs lorsqu’il entend parler de souper (le repas du soir) au lieu de dîner, celui-ci étant au Canada comme dans certaines régions de l’Hexa­gone le repas de midi. Il n’est pas rare d’entendre parler de piastres pour dollars et de sous au lieu de cents.

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Provocation linguistique

Dans le centre de presse où sont installés les journalistes venus couvrir le sommet, l’anglais et le français cohabitent harmonieusement dans certaines discussions entre Québécois et Ontariens. Les habitants du Québec sont en général bilingues et passent sans difficulté d’une langue à l’autre. Dans le même centre, toutefois, la communication – panneaux, annonces… – est à 100 % en français. Seule fausse note, une lettre du secrétaire général de l’ONU au président Nicolas Sarkozy distribuée aux médias. Le message, qui commence par « Excellency » et se termine par « Highest Consideration », est rédigé dans la langue de Shakespeare. Ban Ki-moon a beau avoir ajouté de sa main « Avec mes meilleures salutations », ce document à l’en-tête des Nations unies sonnait comme une provocation aux yeux des francophones rassemblés au nom de la défense de leur langue.

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