Tigo au Sénégal : 
quitte ou double

Nouveau rebondissement dans le feuilleton qui oppose le second opérateur mobile du pays aux autorités. Sa maison mère réclame un arbitrage international.

Publié le 1 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Ça passe ou ça casse. Le 11 novembre, le bras de fer engagé entre l’État sénégalais et le numéro deux de la téléphonie mobile, Sentel (qui opère la marque Tigo), s’est durci : le groupe suédois Millicom International Cellular (MIC), maison mère de Sentel, a saisi le Centre international de règlement des différends liés aux investissements (Cirdi), organisme d’arbitrage lié à la Banque mondiale. « Si la décision est en faveur de Millicom, le Sénégal devra s’y conformer », affirme un avocat proche du dossier, qui refuse que son nom soit cité.

Dans cette affaire, Dakar a tiré la première salve le 31 octobre en menaçant de suspendre la licence GSM du numéro deux de la téléphonie mobile dans le pays, avec 1,8 million d’abonnés (3 millions pour Orange). Engagées dans des négociations serrées, les deux parties ne parvenaient pas à un accord. En 2000 déjà, Abdoulaye Wade, nouvellement élu à la présidence, avait annulé le contrat de Sentel, négocié en 1998 contre une redevance annuelle, au motif de défaillances et de non-respect de certaines clauses. Mi-2002, une entrevue entre le président Wade et les dirigeants de MIC débloquait la situation. Tigo pouvait poursuivre « provisoirement » ses activités, les termes de l’exploitation de son réseau devant être révisés lors de l’octroi futur d’une nouvelle licence GSM. Ce qui arriva en septembre 2007, quand le soudanais Sudatel remporta une licence globale (fixe, mobile et Internet) pour 200 millions de dollars. Annoncé pour mars 2008, puis pour octobre, le démarrage d’Expresso (la marque de Sudatel) ne cesse d’être différé. Mais les tensions entre Sentel et l’État ont repris de plus belle.

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La procédure d’arbitrage international qu’a engagée MIC n’est pas anodine et démontre sa volonté d’aller jusqu’au bout. Coûte que coûte. « Le groupe devra démontrer au Cirdi que payer 200 millions de dollars n’a aucune justification économique », explique Devine Kofiloto, consultant senior au cabinet Teleplan, en Norvège. Jusqu’où MIC, présent au Tchad, au Ghana, en Tanzanie, Sierra Leone, RD Congo et à Maurice, mais aussi en Amérique latine et en Asie, est-il disposé à aller ? Est-il prêt à perdre le marché sénégalais, le plus fort contributeur à sa croissance en Afrique ? « Si Tigo quitte le pays, l’arbitrage du Cirdi peut aussi servir à réclamer une compensation financière au Sénégal », complète Devine Kofiloto.

Injoignables, les responsables de MIC laissent la porte ouverte à toutes les hypothèses. Certains avancent qu’ils accepteraient de payer, mais à la condition d’obtenir une licence globale. Comme Sudatel.

À Dakar, au Palais présidentiel, qui gère l’affaire en direct, la marge de manœuvre apparaît étroite. Suspendre vraiment le réseau, c’est s’exposer à la colère de 400 employés (et 40 000 emplois indirects) et de près de deux millions d’abonnés. « Le recours au Cirdi montre que Millicom a épuisé toutes les solutions amiables, explique Hamid Gharavi, avocat spécialiste de l’arbitrage international, basé à Paris. C’est aussi leur dernière cartouche pour obliger l’État à relancer les négociations. » Le Sénégal, dont le déficit budgétaire atteignait 293 millions de dollars mi-2008, selon le FMI, cédera-t-il au chantage ? Seule certitude, le Cirdi ne se prononcera pas avant dix-huit à vingt-quatre mois.

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