Héritage empoisonné

George W. Bush laisse à Barack Obama une situation économique et sociale catastrophique, fruit de huit années de laisser-faire et d’ultralibéralisme débridé.

Publié le 1 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

En matière d’économie, c’est un véritable champ de ruines que laisse George W. Bush à son successeur. Le libéralisme débridé et la politique laxiste qui ont permis aux États-Unis de vivre aux frais du reste du monde se paient aujourd’hui très, très cher.

L’éclatement de la bulle financière se traduit par un désastre : 12 millions de foyers américains surendettés. Celui de la bulle immobilière devrait priver de leur logement plus de 7 millions de familles. Cinq orgueilleuses banques d’investissement régnaient sur Wall Street : il n’en existe plus une seule depuis la faillite retentissante de Lehman Brothers. Pas un jour sans qu’une institution financière américaine n’annonce une mauvaise nouvelle, dépôt de bilan ou pertes de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

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Inexorablement, la tornade gagne l’économie réelle. Appauvris, les Américains réfrènent leurs achats. Du coup, l’industrie automobile, le commerce, le transport aérien sont contraints de mettre en place des plans de suppressions d’emplois pour faire face à la chute de la demande. Suppressions d’emplois qui, à leur tour, paralysent un peu plus la consommation, entraînant l’économie américaine dans une spirale dépressive. Tout le monde en est d’accord : les États-Unis sont en récession, même si le Fonds monétaire international (FMI) s’attend à un petit + 1,6 % en 2008 et à un anémique + 0,1 % en 2009.

Barack Obama sait que le premier mandat dont le peuple américain l’a investi est de lui épargner une longue et douloureuse dépression du type de celle de 1929. Sur son agenda figure en première place la nécessité de relancer l’économie, d’éviter l’effondrement de l’industrie automobile, mais peut-être aussi, demain, du transport aérien. Pour l’instant, il épaule les efforts de son parti, largement majoritaire au Congrès, qui entend voter plus de 60 milliards de dollars de dépenses dans le domaine des infra­structures et de la protection sociale. Mais certains experts sont convaincus que cette somme annoncée par Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, ne suffira pas. Et qu’il faudrait entre 300 milliards et 450 milliards de dollars pour arrêter la glissade vers l’abîme.

Déficit Abyssal

Le problème est que les munitions anticrise commencent à se faire rares. Aux 700 milliards de dollars du plan Paulson destinés à soutenir les banques s’ajoutent en effet les 155 milliards engloutis dans le sauvetage de l’assureur AIG et les 25 milliards de prêts consentis pour maintenir la tête de l’industrie automobile hors de l’eau. Or les possibilités financières de l’État fédéral ne sont pas illimitées…

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Le déficit fédéral a atteint 455 milliards de dollars pour l’exercice budgétaire 2007-2008. Il bondira à 1 000 milliards en 2008-2009. À force de jeter des centaines de milliards dans la bataille contre la crise, la dette publique a dépassé les 10 000 milliards de dollars. La Réserve fédérale a tellement abaissé ses taux d’intérêt (0,3 % à ce jour) qu’elle n’a pratiquement plus de marge de manœuvre pour stimuler l’activité par une nouvelle baisse.

Bref, le président élu risque de manquer de moyens pour mettre en œuvre une grande réforme de l’assurance maladie, dont sont privés 47 millions d’Américains, laquelle nécessiterait 110 milliards de dollars. Ses idées et son programme sont à l’évidence sociaux-démocrates et se rapprochent de ce qui est pratiqué en Europe, y compris par des gouvernements de droite. Obama est pour « plus d’État » ; il est favorable à une intervention plus vigoureuse de la puissance publique, ne serait-ce que pour reprendre aux riches un peu de ce que leur a trop généreusement consenti l’administration Bush. Cela devrait prendre la forme d’une diminution d’impôts sur les revenus inférieurs à 250 000 dollars par an, soit 95 % des contribuables, et d’une suppression des avantages fiscaux pour les revenus supérieurs à cette même somme. Au total, 81 % des ménages paieraient moins d’impôts et 11 % davantage. Mais, là encore, la pénurie budgétaire risque de ralentir son ardeur réformatrice.

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Gageons que Barack Obama pilotera l’économie américaine au centre – ou plutôt de façon bipartisane, avec cet art consommé du compromis qu’on lui connaît. Il ne fera pas de vagues ni de déclarations tonitruantes à la Silvio Berlusconi, mais s’efforcera de trouver un équilibre entre les points de vue et les intérêts forcément contradictoires des groupes de pression qui l’ont soutenu. â©Dans le domaine du commerce international, il sera particulièrement intéressant de le voir trancher entre ses promesses de tonalité protectionniste et son tempérament porté à l’ouverture. N’oublions pas que le premier président métis de l’histoire des États-Unis est aussi intellectuellement très métissé : formé, à Harvard, aux idées keynésiennes, il a enseigné à Chicago aux côtés des monétaristes les plus libéraux. Ce qui promet des solutions originales de la part de celui qui sait que « nous pouvons ralentir la mondialisation, mais pas l’arrêter ».

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