Ségolène miraculée

Battue au second tour de la présidentielle de 2007, la présidente de la région Poitou-Charentes paraissait définitivement hors jeu. Tout au contraire, elle a été au centre de la préparation du 75e congrès du Parti socialiste, à Reims.

Publié le 1 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Quoi qu’il arrive, elle a déjà gagné. Qu’elle soit élue premier secrétaire, qu’elle se range à une candidature de compromis, ou même qu’un de ses adversaires l’emporte, la défaite ne sera pas au rendez-vous. Car, dans tous les cas, Ségolène Royal aura réussi à revenir au centre de l’arène.

Certes, cette résurrection sera plus belle si elle parvient à s’emparer du fauteuil de son ex-compagnon, François Hollande, au nez et à la barbe de tous ces hiérarques, qui, imprudemment, l’avait cataloguée parmi les accidents de l’Histoire. Ah ! ils ne croyaient pas la revoir de sitôt, elle et ses couplets sur l’amour, la « bravitude » ou la démocratie participative. L’heure des gens sérieux avait sonné. Entendez, celle du maire de Paris, Bertrand Delanoë, gestionnaire responsable qui jamais ne scanderait « fra-ter-ni-té » devant un public en transe comme Ségolène le fit récemment dans une salle de la capitale.

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Patatras ! Voilà qu’elle réapparaît. Et, à la surprise générale, arrive en tête lors du vote sur les motions. Aussitôt, c’est le branle-bas de combat. Le congrès de Reims a trouvé son enjeu : pour ou contre Ségolène. Aux orties, les grandes questions : la crise financière, les réformes de Nicolas Sarkozy, la poussée d’Olivier Besancenot, le programme du PS… Ce sera pour une autre fois. Car les éléphants ont senti qu’ils étaient menacés d’extinction biologique par cette antilope virevoltante. Delanoë joue sa dernière chance de prétendre, un jour, être le candidat des socialistes à la présidence de la République. Quant à la maire de Lille, Martine Aubry, elle sait que jamais pareille occasion de monter sur le trône de la Rue de Solferino ne se représentera.

En quelques heures, ces riantes perspectives se sont effacées. Désormais, « Martine » et « Bertrand » incarnent le passé. Le vieux parti. Celui des appareils et des manœuvres byzantines. Celui dont les militants ne veulent plus. Au point que presque la moitié d’entre eux n’a pas pris part au vote sur les motions.

Vieille garde et table rase

L’arithmétique, justement, est cruelle, mais instructive. Si l’on additionne les voix recueillies par la motion Royal (29 %) et celle de la gauche socialiste conduite par Benoît Hamon (20 %), nouveau promu au sein de la curie socialiste, on s’aperçoit que, parmi les adhérents qui se sont exprimés, un sur deux a voté contre la vieille garde. C’est-à-dire Martine Aubry, Bertrand Delanoë – soutenu par François Hollande – et consorts.

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La direction sortante paie son immobilisme. Privés de débat depuis la présidentielle de 2002 et la défaite de Lionel Jospin, les militants veulent faire table rase. Le second tour de 2007 leur a laissé un goût amer. Le sentiment d’avoir raté le coche au nom d’une orthodoxie obsolète. Quel adhérent du PS ne s’est surpris, depuis l’élection de Sarkozy, à imaginer ce qu’eût été le résultat si, entre les deux tours, une alliance électorale avait été conclue avec François Bayrou ? Ségo à l’Élysée, Bayrou à Matignon, ce pari valait bien une messe.â

La présidente de la région Poitou-Charentes surfe sur ce désir tabou. Avec ce qu’il faut d’habileté. Non, elle ne veut pas échanger, demain, le renfort du trotskyste Olivier Besancenot et des débris du Parti communiste contre celui de Bayrou. Elle prétend d’abord rassembler toute la gauche et, ensuite seulement, y arrimer une fraction de la droite, c’est-à-dire le MoDem en langage socialiste. La nuance rassurerait le plus endurci des militants.

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Opération séduction

Surtout, Ségolène Royal a appris à faire du judo. Politique, s’entend. Sa candidature au poste de premier secrétaire inquiète ? Qu’à cela ne tienne, elle la remise « au Frigidaire » le temps que l’on débatte des motions. Elle arrive en tête à l’issue du vote ? Aussitôt, elle appelle chacun des prétendants pour leur proposer un « document de travail » où ne subsiste aucune aspérité.

Le point d’orgue de cette stratégie de séduction a certainement été son passage sur TF1, le 12 novembre. Alors que les barons attendaient qu’enfin elle se déclare, voilà qu’elle confesse en « avoir envie », mais que sa candidature n’est pas « un préalable au rassemblement des socialistes ». Sous-entendu, nous pouvons nous mettre d’accord sur le nom d’un second couteau qui ne fera de l’ombre à aucun des présidentiables.

Devant ce déferlement d’amour et d’abnégation, comment résister ? À bout d’arguments, ses adversaires agitent maintenant l’épouvantail d’une alliance en… 2012 avec Bayrou, horresco referens. Au point qu’on pourrait croire, parfois, que le député béarnais a remplacé Sarkozy dans la démonologie socialiste.

Que pèsera Bayrou en 2012 ? Nul ne le sait. Y aura-t-il même un candidat socialiste au second tour de la présidentielle ?

Surtout, les gardiens du temple de la Rue de Solferino, à Paris, devraient se montrer plus prudents dans leurs dénonciations des alliances contre-nature. Dans ce registre, Ségolène Royal a un prédécesseur de poids : François Mitterrand lui-même. En 1972, celui qui n’était alors que premier secrétaire du PS a signé un « programme commun de gouvernement » qui regroupait, d’un côté, le Parti communiste – son secrétaire général, Georges Marchais, se faisait fort de « plumer la volaille socialiste » à cette occasion –, et, de l’autre, un petit parti, le Mouvement des radicaux de gauche, que l’on rangerait aujourd’hui à la droite du MoDem. Neuf ans plus tard, Mitterrand entrait à l’Élysée…

À l’heure où ces lignes sont écrites, ni le résultat du congrès de Reims ni celui du vote des militants, le 20 novembre, ne sont connus. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la guerre ne s’arrêtera pas après l’élection du premier secrétaire. Le PS y survivra-t-il ? C’est une autre histoire.

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