Niger : Kandadji, barrage ou mirage ?
Imaginé dès les années 1930, ce projet pharaonique sur le Niger se fait toujours attendre. Sa construction, retardée par les défaillances de son maître d’oeuvre, devrait s’achever en 2016. En théorie.
Électricité : le paradoxe africain
Début avril, dans l’imposant ministère de l’Énergie et du Pétrole, à Niamey, au Niger. L’ascenseur ne fonctionne pas, la cage d’escalier est dans la pénombre. « Encore une coupure d’électricité », déplore un fonctionnaire. Ce qui est fréquent en cette période de grosse chaleur. « Pour l’électricité, nous dépendons à 60 % du Nigeria, explique Foumakoye Gado, le ministre de l’Énergie et du Pétrole. Mais bientôt, nous serons totalement autonomes. » Dans moins de deux ans, une centrale thermique construite par une entreprise chinoise devrait produire 100 MWh. Mais c’est surtout vers Kandadji, un village situé à 180 km au nord-ouest de Niamey, près de la frontière malienne, que tous les espoirs se portent. C’est ici qu’un immense barrage doit voir le jour.
Kandadji, c’est une idée folle née au temps des expéditions coloniales, recyclée dans les années 1970 par le président Seyni Kountché et remise au goût du jour sous le gouvernement de Mamadou Tandja. À l’échelle du Niger, c’est une entreprise pharaonique : une digue de 28 m de haut et de 8,5 km de long, une capacité de retenue des eaux du fleuve Niger de 1,6 milliard de m3, un minimum de 10 000 ha de surfaces irriguées, 38 000 personnes déplacées et une puissance de 132 MW. Objectif : produire de l’énergie, mais aussi aménager la vallée après avoir stabilisé le débit du fleuve, grâce à un écoulement minimal de 120 m3 par seconde.
Première pierre
Mais Kandadji, c’est surtout, pour beaucoup, un mirage. « Bien sûr que ça nous fait rêver. Mais à force d’en entendre parler, on n’y croit plus », soupire Ibrahim, un artisan. Quand Tandja a posé la première pierre, le 3 août 2008, le plus dur semblait fait : le Niger avait enfin trouvé les financements. Coût des travaux : 600 millions d’euros – dont près de 20 % pour le seul barrage. Ne restait qu’à sélectionner le constructeur. La mise en service était annoncée pour 2013.
Mais rien ne se passa comme prévu. Le 18 février 2010, trois sociétés restent en course, lorsque Tandja est renversé par une junte militaire. Six jours plus tard, comme si de rien n’était (et avec une précipitation suspecte), le marché est attribué à la société russe Zaroubegevodstroï. Son prix est meilleur, certes, mais son expérience sur le continent quasi nulle. Malgré tout, personne ne remet en cause ce choix.
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En mai 2011, peu après son élection, le président Mahamadou Issoufou, qui avait fait du barrage l’un de ses projets emblématiques, lance officiellement le chantier, dont il prévoit la fin pour 2016, juste avant la présidentielle. Mais le maître d’oeuvre russe ne répond pas aux attentes. En avril dernier, alors que tous les habitants de la zone avaient été déplacés sans trop de casse, seuls 5,6 % des travaux étaient réalisés… « Sur place, il n’y a rien, à part une usine à béton et quelques terrassements », indique un ministre.
Audit
Après des mois d’atermoiements et de tentatives pour « accompagner » Zaroubegevodstroï, le gouvernement et ses partenaires financiers – principalement la Banque mondiale et la Banque islamique de développement – ont donc décidé de mettre un terme au contrat. « Pendant plus de un an, nous leur avons donné la possibilité de rattraper leur retard. Mais on ne peut pas continuer ainsi. Les faiblesses techniques de l’entreprise sont trop importantes. Nous devrions résilier le contrat », indiquait début juin Amadou Boubacar Cissé, le ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire. Un audit devra déterminer la nouvelle stratégie avec un objectif fixé par Issoufou : que les travaux soient finis avant la fin de son mandat. « C’est pas gagné », convient une source proche du dossier. Les Nigériens n’en ont pas fini avec les délestages.
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