On pare au plus pressé

Publié le 30 novembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Il a donc été élu, il y a près de quinze jours, pour être le prochain président des États-Unis et, par conséquent, l’homme politique le plus important du monde pour les prochaines années.

Ardemment souhaitée par quelque trois à quatre milliards d’hommes et de femmes (qui ont tremblé jusqu’à la dernière minute de voir leur espérance déçue), cette élection a été, en effet, un événement planétaire aussi marquant sur le plan symbolique que la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989.

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Un des éditorialistes du Financial Times, Martin Wolf, commente le choix des électeurs américains en ces termes : « En élisant comme président Barack Hussein Obama, les Américains ont choisi un intellectuel, un prophète de l’unité et un homme qui a un père kényan noir et une mère américaine blanche. Ils ont, en même temps, mis fin à la politique de la peur et de la division qui a fait tant de mal à leur pays.

Je suis l’un des milliards d’êtres humains qui ont été étonnés et ravis par l’événement. Mais l’élection n’est qu’un début. Peu de présidents ont eu à relever d’aussi graves défis que Barack Obama. »

Pour ma part, je constate (et les en félicite) que la majorité des électeurs américains ont voté pour le candidat préféré du reste du monde.

Ils en ont fait le président de leur pays pour quatre ans : en accédant à la Maison Blanche, le président des États-Unis est, cette fois, un homme très populaire dans le monde entier, porteur des espoirs, illusions et utopies des jeunes de tous les continents.

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La plupart des chefs d’État et de gouvernement en exercice le voient arriver dans le cercle qu’ils forment (et dont il sera le centre) avec appréhension, envie et, disons-le, une pointe de jalousie : même s’il est aujourd’hui en mauvaise posture, son pays est le plus puissant de tous et bénéficie d’une influence inégalée. Lui est jeune et cultivé ; il écrit lui-même ses livres ainsi que les plus importants de ses discours et il est un très bon orateur. Son calme et son sang-froid contrastent avec la fébrilité-agitation de nombre de ses pairs.

Par ses qualités propres autant que par la puissance de son pays, il est donc – qu’ils le veuillent ou non – appelé à dominer la scène politique mondiale.

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Mais, comme on le sait, il ne sera réellement au pouvoir que dans neuf semaines : quel poids ont alors les réunions qui se tiennent sans lui, comme celle du G20 que son prédécesseur a fait semblant de présider ? Elles donnent l’impression de n’être que des réunions d’attente : ceux qui y participent disent agir pour faire face à la crise alors qu’en réalité ils ne sont là que pour parer au plus pressé…

En attendant l’entrée en scène de Barack Obama et de son administration, le plus utile, pour y voir clair, est de passer en revue quelques-unes des données politico-économiques sur la base desquelles lui et son équipe sont en train de travailler.

Leur chance est que rien, sur le plan de la politique internationale, ne sollicite une attention pressante et n’exige de décisions prises dans l’urgence.

S’agissant du Moyen-Orient, par exemple, il leur faut, au contraire, attendre que les élections israéliennes aient permis à ce pays de se doter d’un gouvernement qu’on espère stable et représentatif et que ce gouvernement soit en ordre de marche (en mars ou avril prochain) ; l’autre protagoniste principal dans la région, l’Iran, n’aura lui changé de président – ce qui me paraît le plus probable – ou reconduit l’actuel qu’en juin prochain.

Quant au nécessaire remplacement du fantomatique Hamid Karzaï en Afghanistan, il ne doit intervenir qu’en septembre 2009.

D’ici là, sur ce terrain en tout cas, sauf événement imprévu, ce ne seront que manœuvres d’approche pour sonder le partenaire, évaluer ses intentions et ses possibilités.

Faites le tour des autres régions du globe et vous ne trouverez que des situations et des problèmes politiques qu’il faut laisser mûrir, au sujet desquels il est urgent d’attendre.

Barack Obama et son équipe de travail n’ont eu donc aucune difficulté à décider de concentrer leur attention et leurs énergies en priorité absolue sur l’économie de leur pays.

Elle est en récession et celle des autres pays développés subit, elles aussi, simultanément, la crise économique la plus grave qu’ait jamais connue le monde (celle de 1929 n’avait frappé que les États-Unis et, marginalement, l’Europe).

Le graphique ci-contre montre qu’elle affecte, à un moindre degré, la Chine et l’Inde. Les autres prévisions du Fonds monétaire international (FMI) – personne ne doute de leur véracité – confirment que le monde est devenu un village : les nations les moins développées seront touchées, elles aussi, par cette crise qui prend l’allure d’une pandémie…

On nous assure que le président élu des États-Unis et son équipe sont déjà au travail et qu’ils fonctionnent en secret comme un gouvernement constitué. Ils préparent, nous dit-on, une batterie de décisions qu’ils annonceront et commenceront à mettre en œuvre dès le 21 janvier prochain, jour d’entrée en fonctions du nouveau président, au lendemain de son investiture.

Si cela se confirme, comme je le crois, ce sera spectaculaire et sans précédent.

En attendant, Obama et son « gouvernement » reçoivent les recommandations des plus grands financiers et des meilleurs économistes du monde.

En voici deux dont je pense qu’elles ne seront pas tombées dans l’oreille d’un sourd : Sir Ronald Cohen est un financier britannique très connu et très respecté (juif d’Égypte, il a quitté ce pays à l’âge de 11 ans, après la guerre de Suez).

C’est, aujourd’hui, un apôtre de la lutte contre la pauvreté dans le monde et un militant déterminé du combat pour une paix juste entre Israéliens et Palestiniens : « Le président Obama devra nommer un secrétaire du Trésor expérimenté et prudent. Il devra s’occuper des conséquences sociales de cette crise. Sinon, tout le système sera en danger. Le chômage, les saisies immobilières toucheront des millions de personnes et provoqueront des explosions sociales partout dans le monde. » Paul Krugman (Prix Nobel 2008 d’économie), américain et démocrate comme Barack Obama, pourfendeur de la politique et des agissements de George W. Bush : « Sur le front économique, il nous faut un grand plan de stimulation fiscale, et rapidement. Il faut également faire voter une législation pour renforcer l’assistance médicale. Ne laissons pas la crise enterrer ces projets. Politiquement, Obama et son gouvernement doivent faire la lumière sur ce qui s’est passé ces huit dernières années. »

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