Afreximbank sort de l’ombre

Institution financière peu connue, Afreximbank affiche 3 milliards de dollars de total de prêts destinés surtout aux financiers et entrepreneurs nigérians. Mais aussi, de plus en plus, aux privés francophones.

Jean-Louis Ekra, président de la banque, à Pékin, en juillet 2012. © Zheng Huansong/Xinhua Press/Corbis Xinhua-press-corbis

Jean-Louis Ekra, président de la banque, à Pékin, en juillet 2012. © Zheng Huansong/Xinhua Press/Corbis Xinhua-press-corbis

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 27 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Des politiques, des financiers, des entrepreneurs et quelques grandes banques chinoises. Mi-2012, près de 3 000 délégués avaient rendez-vous à Pékin pour les assemblées générales d’une banque africaine. Ils seront presque autant à Addis-Abeba, du 19 au 21 juin prochain, pour fêter les 20 ans de la même institution. Peu connue, Afreximbank n’est ni une banque de développement, ni une banque commerciale, ni une banque d’investissement. En fait, elle est tout cela en même temps. « Elle a été créée sur un modèle unique où les secteurs privé et public sont en partenariat mais à une échelle multilatérale, souligne Jean-Louis Ekra, président de l’institution depuis 2005. La Banque latino-américaine des exportations [Bladex] est la seule comparable. » Détenue à hauteur de 63 % par 34 pays africains, Afreximbank compte également à son tour de table des groupes internationaux tels que Citibank et Standard Chartered Bank et des institutions venues de pays émergents, comme les banques d’import-export (Exim Bank) chinoise et indienne.

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L’idée naît, au milieu des années 1980, à la suite de la raréfaction des financements du commerce international. Les banques publiques et de développement africaines font faillite les unes après les autres. La Banque africaine de développement (BAD) porte donc un projet d’établissement hybride, associant privés et États. Ce dernier étant le seul qui soit acceptable pour les partenaires internationaux.

Deux décennies plus tard, Afreximbank reste un acteur « modeste mais regorgeant d’argent à investir », souligne un consultant africain. Avec 103 employés, installés entre le siège égyptien et les bureaux nigérians et zimbabwéens, Afreximbank affiche un total de bilan de 3,7 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros), dont 3,1 milliards de prêts. Comparé aux 7,6 milliards engagés par l’IFC (Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale) en Afrique, le niveau d’intervention d’Afreximbank reste encore limité. Mais les choses avancent vite. « Nous voulons atteindre 5 milliards de dollars de total de bilan en 2015 », déclare Jean-Louis Ekra. Pour financer cette croissance et rétablir sa solidité, l’institution a levé depuis le début de l’année plus de 900 millions de dollars auprès d’une trentaine de banques internationales et sur les marchés mondiaux.

Cette année, l’établissement a levé plus de 900 millions de dollars pour financer sa croissance.

Réactivité

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Pour les entrepreneurs, Afreximbank présente plus d’un avantage. « Notre première mission est le financement du commerce africain, mais nous avons également une stratégie qui vise à aider à la diversification des économies locales en permettant d’augmenter la valeur ajoutée locale dans les produits agricoles et en accentuant les retombées économiques directes dans le pétrole et les mines, explique Jean-Louis Ekra. Nous intervenons en faveur du tourisme, un secteur important pour les entrées de devises. » Sa force ? Une capacité à financer des projets intermédiaires, au-dessus des 5 millions de dollars, avec une plus grande réactivité que d’autres. « Les due diligences [audits d’acquisition] de l’IFC sont très longues, Afreximbank est beaucoup plus rapide pour étudier un dossier », remarque Mamadou Ismaïla Konaté, avocat malien et conseiller de l’homme d’affaires Cessé Komé dans le cadre des financements des hôtels Radisson de Bamako et d’Abidjan. « De plus, ils interviennent via une banque locale, en monnaie locale, donc il n’y a pas besoin de s’assurer contre le risque de change. Et les taux sont relativement bas, moitié moindres que dans des banques commerciales en zone franc CFA. » Enfin, Afreximbank joue le rôle d’arrangeur pour les grands financements. Kenya Airways l’a ainsi mandatée l’année dernière pour organiser l’achat de 10 Boeing et de 10 Embraer.

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Convaincre les francophones

En zone francophone, qui représente moins d’un quart du portefeuille, Afreximbank reste méconnue. Dans la région, la banque a dernièrement prêté 30 millions de dollars à la Société des transports abidjanais et 25 millions, avec BGFI Bank, pour la construction du Radisson Blu Abidjan. Le secteur privé du Nigeria, dont la part est passée de 72 % à 40 % du portefeuille, reste le plus gros client. Mais Afreximbank cherche à développer ses activités dans de nouveaux pays. « Tous les entrepreneurs des pays membres d’Afreximbank ont le droit de solliciter l’institution mais peu le savent », affirme un financier. La banque entend ouvrir de nouveaux bureaux sur le terrain et convaincre de nouveaux États, comme l’Afrique du Sud et la RD Congo, de la rejoindre. Elle cherche aussi à lever de l’argent auprès de nouveaux types d’investisseurs : les capital-investisseurs, les assureurs et les fonds souverains. « Elle devrait peut-être, aussi, sortir du schéma d’une organisation reposant sur une seule personne. », tempère un financier. Rare reproche fait à une institution en plein boom.

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