Au-delà du troisième mandat
Consécration des droits politiques de la femme, réaménagement de l’exécutif, protection des symboles de la révolution… Tels sont les autres volets de la révision de la Constitution.
Après l’annonce, le 29 octobre, de la prochaine révision de la Constitution, les commentateurs se sont focalisés sur l’article 74, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Rien que de très normal à quelques mois de la fin du second mandat du président Abdelaziz Bouteflika, à l’initiative de cette démarche. C’est pourquoi le chef de l’État, lors du Conseil des ministres du 3 novembre, a pris à témoin l’ensemble de la nation pour rappeler que sa conviction sur la nécessité de réviser le Texte fondamental date de 1999, alors qu’il entamait son premier mandat. Son engagement de soumettre au peuple, par la voie d’un référendum, une « révision profonde de la Constitution pour l’adapter à l’évolution de notre pays et surtout à la réalité de ses défis contemporains » est toujours d’actualité. Toutefois, estimant que la révision qu’il propose aujourd’hui est une révision d’étape qui n’aura aucune conséquence sur les grands équilibres institutionnels, il a jugé que la voie parlementaire serait suffisante.
L’argument a beau tenir la route, il ne convainc ni les détracteurs du président, ni de nombreux observateurs de la scène politique algérienne. Aux yeux des plus sceptiques, le processus de révision de la Constitution en cours a pour seul objectif de permettre à Bouteflika de briguer un troisième mandat.
Pourtant, à bien y regarder, des cinq volets du projet de révision, la levée de la limitation des mandats n’est pas le plus marquant. L’aménagement de l’article 5 de la Constitution, qui affirme que l’emblème et l’hymne nationaux sont considérés comme des conquêtes de la révolution du 1er novembre 1954, consacre l’intégralité des couplets de l’hymne national, y compris celui désignant nommément la France comme ennemi de la nation. La reformulation de l’article 62 impose à l’État de protéger les symboles de la révolution, la mémoire de ses martyrs et la dignité de leurs ayants droit et des moudjahidine. Par ailleurs, l’État devra assumer un rôle plus grand dans la promotion de l’écriture de l’Histoire et de son enseignement aux jeunes générations. Désormais patrimoine commun des générations passées et futures, les symboles de la guerre de libération sont soustraits à toute tentative de manipulation, d’instrumentalisation ou de remise en cause.
Perçu comme un cadeau aux forces conservatrices, qui font de la légitimité historique un fonds de commerce permettant la pérennisation de la rente, cet amendement est contrebalancé par une avancée considérable : la constitutionnalisation des droits politiques de la femme. L’introduction d’un article 29 bis impose en effet à l’État de les promouvoir en augmentant la représentation féminine dans les assemblées élues. Les modalités de mise en œuvre de cette disposition devraient être fixées par une loi organique. Il s’agit là d’une véritable révolution dans un pays de tradition fortement patriarcale et où la législation a fait de la femme une mineure à vie.
Au plan institutionnel, les changements introduits sont déterminants. L’exécutif ne sera plus bicéphale : le Premier ministre perd son statut de chef de gouvernement. Il ne sera plus issu de la majorité parlementaire et aura pour seule mission de mettre en œuvre le programme du président de la République. Il devra, toutefois, soumettre chaque année sa déclaration de politique générale à l’épreuve d’un vote de confiance devant le Parlement. Par cet amendement, la Constitution écarte toute possibilité de cohabitation entre le président de la République et un parti ou coalition majoritaire au sein de l’institution législative.
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