L’Afrique à l’heure américaine

Publié le 19 novembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Pour une fois les chefs d’État africains ont été en phase. La plupart ont passé la nuit du 4 novembre devant leur télévision pour assister au sacre du « cousin d’Amérique ». Et beaucoup y sont allés de leur petite phrase le lendemain matin, le plus souvent sur l’antenne de nos confrères de RFI. L’essentiel étant de participer à cette ferveur planétaire, souligner les origines kényanes du 44e président de la première puissance mondiale, rendre hommage à cette formidable leçon venue des États-Unis et saluer l’espoir d’un nouveau monde. Des propos de circonstance, certes, mais qui traduisaient une sorte de soulagement teinté de joie non dissimulée. Plus rien ne sera comme avant.

Présidents intraitables, chefs des armées sans états d’âme… peu importe. La carapace s’est fendue. Dans sa localité d’Oyo, au nord du Congo, avec sa famille et notamment sa fille Claudia, le président Denis Sassou Nguesso a « beaucoup zappé » entre les différentes chaînes internationales. De son propre aveu, il a difficilement masqué son émotion devant les images du pasteur Jesse Jackson en larmes à Grant Park, dans le fief de Barack Obama à Chicago. De l’autre côté du fleuve Congo, à Kinshasa, le président Joseph Kabila, surtout accaparé par la situation au Nord-Kivu, a suivi de plus loin l’histoire en marche du côté de Washington. Quant à Omar Bongo Ondimba, il a vécu cette fameuse nuit à Libreville. Dès le lendemain, le président gabonais a salué cette élection comme la réalisation « d’une part importante du rêve du révérend Martin Luther King ».

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Au Mali, en bon militaire de formation, Amadou Toumani Touré sait mieux que quiconque qu’une victoire n’est acquise que lorsque le vaincu a rendu les armes. Avec son épouse, il aura donc attendu le discours de John McCain pour aller se coucher, à 5 heures, rassuré. Tout en appréciant la « noblesse » du candidat républicain qui a assumé « son échec » et reconnu « la signification particulière de cette élection historique pour les Noirs américains ». Informé en temps réel par ses trois enfants vivant aux États-Unis, le président béninois Yayi Boni était, lui, certain du verdict des urnes. Cependant, l’homme a veillé tard. L’occasion était trop belle. « Il ne faut pas seulement voir la personne de Barack Obama. Son triomphe s’explique aussi par son parcours et sa volonté de changer les choses », insiste un confident de l’ancien président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Décidément, le processus d’identification à Obama touche toutes les couches de la société africaine !

En Guinée-Conakry, l’impassible président Lansana Conté a été tenu informé, le lendemain matin, par son Premier ministre, Ahmed Tidiane Souaré. La jeunesse dorée avait d’ores et déjà fêté l’événement au Petit Paris, une boîte de nuit décorée aux couleurs de la bannière étoilée. Au Sénégal, l’Obamania est aussi le sentiment le mieux partagé. Comme dans la plupart des capitales africaines, le Centre culturel américain y est allé de sa soirée spéciale. Quant aux VIP, ils étaient invités à la résidence de l’ambassadeur des États-Unis. Dans le quartier populaire de la Médina, le Comité de soutien à Obama – parrainé par le maire de Dakar et président du Sénat, Pape Diop – a battu campagne comme s’il s’agissait d’une cause nationale. À 5 heures du matin, un cortège a même sillonné la ville, tandis qu’au palais de la présidence Abdoulaye Wade préparait ses nombreuses interventions prévues sur différents médias internationaux. Après avoir suivi en direct le discours d’Obama, et peu dormi, il a épluché les résultats pour ensuite délivrer ses commentaires aux journalistes venus en audience au palais ou téléphonant depuis Paris. Si le propos officiel se voulait à la hauteur de l’événement, « il était heureux comme quelqu’un qui voyait son candidat l’emporter », résume un conseiller qui a l’écoute du patron.

Démarche ivoirienne

À Abidjan en revanche, il n’est pas certain que Laurent Gbagbo ait été le plus enthousiaste. Ses liens privilégiés avec les États-Unis sous la présidence Bush, via notamment les Églises évangéliques, vont devoir être réajustés en urgence. À cet effet, la directrice adjointe du cabinet présidentiel, Sarata Ottro Zirignon – qui a séjourné une dizaine d’années aux États-Unis –, a pour mission de travailler à un rapprochement avec la future administration Obama. Dans la perspective de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, tous les appuis diplomatiques peuvent avoir leur importance. En Afrique du Sud, Nelson Mandela s’est enthousiasmé pour une victoire qui « a démontré que personne ne devrait avoir peur de rêver de changer le monde pour le rendre meilleur ». Pour son premier message de félicitations, le nouveau président, Kgalema Motlanthe, « attend avec intérêt de fructueuses relations de travail » avec l’ex-sénateur de l’Illinois, qui, en campagne, avait critiqué l’attitude de Pretoria au Zimbabwe. À Harare justement, le président Robert Mugabe a attendu le 7 novembre pour réagir en se déclarant « prêt à améliorer les relations » avec les États-Unis. Décidément, l’élection d’Obama est de nature à faire bouger les lignes.

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