Après les faucons, les colombes ?

Publié le 19 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Comment Barack Obama a-t-il élaboré sa vision du monde et, en l’occurrence, son programme de politique étrangère ? À travers son éducation et son itinéraire exceptionnels. Mais aussi – et surtout – avec l’aide d’un petit groupe de conseillers, dont l’influence sera déterminante lorsque le nouvel élu accédera à la Maison Blanche. Le plus important d’entre eux est Anthony Lake, 69 ans, professeur à l’université de Georgetown, ancien patron du Conseil de sécurité nationale (NSC) sous Bill Clinton. Ce démocrate de toujours, qui fut consul à Saigon pendant la guerre du Vietnam et s’est converti au judaïsme il y a trois ans, est un interventionniste libéral, à mi-chemin entre les colombes et les faucons. Il a de l’Afrique une assez bonne connaissance pour avoir « géré » la crise rwandaise pendant le génocide et servi de médiateur entre l’Éthiopie et l’Érythrée en crise. Lake et Obama se sont rencontrés en 2002, alors que ce dernier siégeait encore au Sénat de l’Illinois. C’est lui qui lui a présenté son ancienne collaboratrice au sein du NSC, Susan Rice, une Africaine-Américaine de 44 ans, ex-Madame Afrique du département d’État. Trois ans plus tard, Lake et Rice lancent l’Initiative Phoenix, un groupe de recherche sur une nouvelle diplomatie américaine, dont le rapport publié en 2006 servira de base au premier discours de politique étrangère de Barack Obama, prononcé à Chicago en avril 2007. Cinq priorités majeures y sont définies : le contre-terrorisme, la prolifération nucléaire, le réchauffement climatique et l’approvisionnement en énergie, le Moyen-Orient et l’Asie orientale. Les modes d’intervention de l’Amérique sur ces cinq dossiers prioritaires sont multiples (militaire, diplomatique, économique, etc.) et multilatéraux (coalitions, ONU…). Il s’agit d’avant tout de rompre avec l’unilatéralisme désastreux de la « doctrine Bush ». À la demande d’Obama, Lake et Rice ont mis en place à partir de la mi-2007 un réseau de quelque trois cents experts de politique étrangère − qui seront bientôt cinq cents, après absorption des conseillers d’Hillary Clinton – répartis par régions du monde et par grands dossiers. Ce cercle de conseillers impressionnant a produit un grand nombre de notes, études et documents, filtrés par un petit groupe d’une demi-douzaine de personnes (Mark Lippert, Gregory Craig, Denis McDonough, l’écrivain spécialiste des génocides Samantha Power…), qui traitent directement avec le tandem Lake-Rice. Récemment, un autre ancien de l’administration Clinton, l’ex-coordinateur spécial pour le Moyen-Orient, Dennis Ross, s’est joint à l’équipe. Devenu très proche d’Israël (l’Institute for Near East Policy de Washington, pour lequel il travaille, est ouvertement prosioniste), Ross est en partie responsable du net durcissement des propos de Barack Obama en la matière depuis quelques semaines : « indissolubilité » de l’alliance États-Unis/Israël, isolement du Hamas, souveraineté israélienne sur Jérusalem, « recadrage » des velléités de dialogue avec l’Iran, etc. L’inclusion de Dennis Ross répondait également à une nécessité de campagne. Barack Obama a, on le sait, été attaqué par John McCain sur ses relations amicales avec Rashid Khalidi, un universitaire américain d’origine palestinienne, brillant et respecté, mais dont le « tort » est de diriger une association, l’Arab American Action Network (AAAN), réputée proche de l’OLP, qui sponsorise entre autres des projets d’études sur l’histoire de la Palestine. Lorsqu’il siégeait au conseil du Fonds Woods à Chicago, Barack Obama avait voté en faveur de subventions pour l’AAAN – et Khalidi, en retour, a levé des fonds pour le candidat. D’où la prise de distance obligée avec un personnage pourtant plus modéré encore que Mahmoud Abbas…

L’influence de joe Biden

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Barack Obama devra sans doute compter également, pour traduire dans les faits une vision du monde dont on ne connaît en réalité que les contours, avec l’influence de son vice-président, Joe Biden. L’ancien patron du très puissant Comité des relations extérieures du Sénat entend jouer un rôle clé : « Il ne sera ni un inaugurateur de chrysanthèmes ni un vice-secrétaire d’État », a prévenu son conseiller Tony Blinken. Depuis son opposition à la guerre du Golfe en 1991, l’homme a beaucoup évolué dans un sens plutôt « réaliste » : il insiste pour le maintien d’une force américaine résiduelle en Irak au-delà de la mi-2010 et pour une attitude de fermeté – même si l’embargo doit être assoupli – à l’égard de Cuba et accessoirement du Venezuela de Chávez. Reste qu’outre les convictions démocrates communes, le partage d’une vision de l’Amérique post-11 Septembre et une dose inévitable d’opportunisme politique, tous les membres du staff « étranger » de Barack Obama reconnaissent qu’ils ont rejoint le futur président pour son facteur personnel. Il sait écouter, il est psychologiquement très équilibré et il n’a pas de problèmes d’ego. Autant de qualités que ne possèdent ni George W. Bush ni, à un degré moindre, John McCain.

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