Le messager et son message

Samedi 8 novembre

Publié le 19 novembre 2008 Lecture : 5 minutes.

A la fin des années 1950, l’ère coloniale tire à sa fin et, l’un après l’autre, les pays africains se libèrent de leurs colonisateurs.â©Ayant achevé ses études secondaires dans son pays, un jeune Kényan issu d’une petite tribu et dont les parents ne sont ni riches ni pauvres traverse l’océan : bénéficiant d’une modeste bourse, il s’en va poursuivre ses études universitaires dans le grand pays des Blancs.â©Arrivé aux États-Unis, il s’arrête à Hawaii, où il entre à l’université. Là, il ne tarde pas à tomber amoureux d’une condisciple, qu’il épouse : elle est américaine, chrétienne et blanche alors qu’il est africain, musulman et noir.â©Le mariage mixte est alors une exception et même… un délit dans plusieurs États de cette jeune nation américaine où sévit encore le racisme et où la ségrégation des Noirs est de mise.â©wâ©De leur union naît, le 4 août 1961 (à 19 h 24), â¨à Hawaii, un garçon qu’on prénomme Barack â¨Hussein. â©Le père franchit une autre étape : il quitte Hawaii pour poursuivre ses études à Cambridge (Massachusetts), dans la plus prestigieuse des universités américaines : Harvard ; son couple se sépare, puis divorce… â©Ses études terminées, le jeune Kényan rentre chez lui en Afrique, laissant son fils dans le pays qui l’a vu naître. La mère et la grand-mère maternelle de Barack ont pour charge de l’élever et de lui donner une éducation ; elles s’en acquittent à merveille.â©Barack Obama ne reverra son père qu’une fois : plusieurs années plus tard, le haut fonctionnaire kényan qu’Obama père était devenu effectue un nouveau voyage en Amérique et passe quelques jours auprès de son ancienne femme et avec son fils. â©Il mourra quelques années après, à Nairobi, au volant de la voiture qu’il conduisait alors qu’il était sous l’emprise de l’alcool…â©wâ©Ann, la mère de Barack, l’oriente, cela n’étonnera personne, vers la prestigieuse université que son ancien mari avait fréquentée : Harvard.â©Elle meurt d’un cancer en 1995. Et Barack Obama se retrouve doublement orphelin. â©wâ©Il s’oriente vers la politique, se révèle doué et, à très grandes enjambées, franchit les étapes qui le conduiront, en moins de dix ans, sur la plus haute marche du podium : le voici, en effet, à 47 ans, et à l’issue d’une campagne électorale époustouflante, le président élu des États-Unis d’Amérique.â©Tout au long de cette interminable joute, il a révélé des dons d’orateur, d’organisateur et de fédérateur exceptionnels. Il a su capter le dévouement de dizaines de milliers de jeunes qu’il a enthousiasmés ; il a reçu pour sa campagne, provenant des économies de trois millions de personnes modestes, de petites sommes qui ont fini par totaliser 600 millions de dollars, montant fabuleux que son équipe a utilisé avec efficacité.â©wâ©À une impressionnante majorité, les Américains viennent donc de porter une famille noire à la Maison Blanche ; ils paraissent fiers d’avoir ainsi montré au monde qu’ils sont bien « la nation exceptionnelle et indispensable » qu’ils se vantaient d’être ; la communauté des Africains-Américains, elle, est sur un nuage.â©Les citoyens des autres pays, qui nourrissent à l’endroit de l’Amérique des sentiments ambivalents, sont éberlués par l’exemple que cette nation donne au monde : après avoir fait deux fois de suite le mauvais choix (en 2000 et 2004), elle a élu, cette fois, le plus compétent, le mieux organisé des candidats, celui qui a su rassembler la meilleure équipe et proposer le programme le plus raisonnable. â©wâ©Contrairement à ce que prédisait une Hillary Clinton, les électeurs, dans leur majorité, ont peu tenu compte de la couleur de peau des candidats.â©Et ils ont infligé le plus cinglant des démentis à un autre augure, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui excluait catégoriquement, il y a encore quelques mois, que les Américains puissent installer à la Maison Blanche une femme ou un Noir…â©Tout indique, au contraire, que s’ils n’avaient pas élu le candidat noir, c’eût été la femme blanche, Hillary Clinton…â©wâ©Dans la plupart des pays du monde, en Afrique tout particulièrement, la majorité des gens ont observé de loin, mais avec fascination, l’élection présidentielle américaine.â©Dans leurs cœurs, avec leurs têtes, ils ont « voté » Obama.â©Ce faisant, ils envoyaient un message à leurs dirigeants que ces derniers seraient bien avisés d’entendre : ils veulent que « ça change », non pas seulement en Amérique, mais chez eux*.â©Ils veulent – nous voulons tous – des dirigeants (et des entourages de dirigeants) voués à servir leurs peuples et non, comme c’est trop souvent le cas, à se servir du pouvoir pour s’enrichir.â©wâ©Et maintenant ?â©Beaucoup disent que Barack Obama a soulevé tant d’espoirs, sensés et insensés, dans son pays comme dans le monde, qu’il ne peut que décevoir.â©Il décevra, en effet, mais seulement ceux qui attendent de lui qu’il soit ce qu’il n’est pas, qu’il donne ce qu’il ne peut donner.â©Il sera, le 20 janvier 2009, le président de son pays, dont il tentera de redresser l’économie et de défendre les intérêts à sa manière, qui sera, fort heureusement, différente, très différente de celle de George W. Bush.â©Il ne décevra pas ceux qui, comme nous, n’attendent pas de miracle du 44e président des États-Unis. Mais seulement qu’il reste fidèle à l’image qu’il nous a donnée de lui, qu’il la fasse vivre. Et qu’il tienne les promesses qu’il a faites à son peuple et au monde.â©wâ©Avant même d’être élu, il a dit qu’il ne voulait pas seulement être président mais un grand président.â©Il peut le devenir et dispose pour y parvenir de quatre, voire huit ans. Si la chance, qui l’a bien aidé jusqu’ici, ne le quitte pas, si Dieu lui prête vie et santé, il lui suffira, pour s’assurer une belle réussite, de continuer à très bien s’entourer et de faire… le contraire de G. W. Bush.â©Souvenez-vous : un autre homme politique a suscité de si grands espoirs que nous avons pu craindre qu’il ne puisse que décevoir. Or non seulement il n’a pas déçu, mais le pouvoir qu’il a exercé l’a grandi. â©Il a su le quitter avec grâce et il est devenu, dans son pays et pour le monde, une icône. â©Il est noir, lui aussi, et s’appelle Nelson Mandela. 

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