Le prédicateur et le dandy


Publié le 19 novembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Je suis désolée pour Amr Khaled. La star du petit écran religieux qui, depuis des années, s’échine à convertir les bonnes âmes aux saintes vertus va devoir passer la main. Le prêcheur hors norme vient d’être détrôné par un gars plus beau, blond comme les blés, devant qui les musulmanes se pâment plus qu’elles ne prient. J’ai nommé Mouhannad (Kivanç Tatlitug, dans la vie). La dernière coqueluche du monde arabe, un Turc, graine d’ancien empire, vedette du feuilleton Nour qui fait fureur chez les croyantes, le pendant laïc d’Amr l’Égyptien, en quelque sorte. Les midinettes ont trouvé leur Brad Pitt, leur Leonardo DiCaprio, et l’Occident peut aller se rhabiller ! Il y a, en terre musulmane, de quoi terrasser les cœurs et ravir les esprits féminins, et pas forcément en turban. Tous les jours que Dieu fait, il suffit d’entrer dans un foyer du Caire, d’Abou Dhabi ou de Tunis pour trouver le gynécée scotché à la télé, entendre battre le cœur de ces demoiselles, si bien que l’émotion est grande de constater qu’il existe encore des vierges romantiques et pas que des dindes vénales ! Des pucelles font des kilomètres depuis leur douar pour se procurer en ville le poster de Mouhannad. Des familles entières visitent la Turquie dans l’espoir d’apercevoir l’émir du petit écran. Des amants éconduits enragent devant ce pur-sang ottoman et bon nombre de maris ont déjà répudié leurs épouses après les avoir surprises en admiration devant le héros de leur vie morose, ces Emma Bovary de l’islam qui ne rêvent plus que d’un chevalier aussi viril que prévenant. L’on peut se demander pourquoi ces époux n’ont pas signifié leur congé à leurs moitiés lorsqu’elles regardaient Amr Khaled, lequel n’est pas mal non plus : mise impeccable à l’occidentale, excellentes prestations dans son domaine. Après tout, un homme est un homme, le danger est potentiel, le diable est toujours de la partie. Pourquoi ces dames auraient-elles le droit d’aimer Amr et pas Mouhannad ? De pouvoir être seules avec lui sous le toit conjugal sans courir le risque de payer d’un divorce quelques instants d’intimité télévisuelle ? Parce que l’un parle de religion et l’autre d’amour ? Parce que l’un est turc, l’autre est arabe ? Ce n’est pas juste, Messieurs ! Si vous répudiez vos femmes, répudiez-les chaque fois qu’un mâle les fait succomber ! De toute manière, j’ai bien calculé. Si les divorces continuent, et compte tenu du grand nombre de chaînes arabes qui diffusent les mièvreries du Turc, la moitié des croyantes risquent de se voir jeter hors du foyer conjugal d’ici peu. Je me demande ce qu’elles feront une fois contraintes au célibat. Certes, elles auront toute liberté pour choisir entre Amr et Nour sans qu’un mari joue l’intrus, mais après ? Auront-elles l’intelligence de comprendre que leur destin n’est pas tributaire d’une fiction et qu’elles peuvent vivre autrement que par procuration ?

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