Powell, in extremis

L’ancien secrétaire d’État de George W. Bush a rejoint le camp de Barack Obama. Pour des raisons qui, dit-il, n’ont rien à voir avec la couleur de sa peau.

Publié le 18 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

«Un coup de couteau dans le cœur », « un ultime clou dans le cercueil »… Comprenez : c’en est fini de John McCain. Les journalistes américains se sont lâchés sur les métaphores pour évoquer le ralliement du républicain Colin Powell, 71 ans, au candidat démocrate Barack Obama. Intervenant dans l’émission Meet the Press de la chaîne NBC, le 19 octobre, l’ancien secrétaire d’État (et ancien chef d’état-major de l’armée américaine) a mis fin à un suspense qui durait depuis des mois. En prenant fait et cause pour le sénateur de l’Illinois et en taclant sévèrement celui de l’Arizona. « Au regard de son éloquence, de sa curiosité intellectuelle, de sa profondeur et de l’inspiration qu’il est capable de susciter, je suis arrivé à la conclusion qu’Obama est un facteur de transformation sur le plan international et de rassemblement aux États-Unis mêmes : il parvient à unir les nouvelles générations et les anciens, les riches et les pauvres. Pour toutes ces raisons, je pense que je vais voter pour lui », a-t-il indiqué. Powell n’est pas le premier membre du Grand Old Party à prendre ainsi position pour l’adversaire de McCain. Selon le site www.republicansforobama.org, une bonne vingtaine d’élus et de responsables de premier plan ont déjà franchi le Rubicon. Parmi eux, Scott McClellan, l’ancien porte-parole de la Maison Blanche, Jim Leach (ancien représentant de l’Iowa au Congrès), Lincoln Chafee (ancien sénateur de Rhode Island), Richard Riordan (ancien maire de Los Angeles) et Rita Hauser (ancienne conseillère de Bush). Bien qu’ami de longue date du candidat républicain, Powell n’y va pas par quatre chemins : « J’ai observé les deux candidats depuis deux ans, et plus particulièrement durant leur campagne. McCain ne semble pas savoir comment réagir à la crise économique. Chaque jour, il change d’approche. » La « distinguée » Sarah Palin n’est pas épargnée : « Je ne crois pas qu’elle soit prête à être présidente des États-Unis, ce qui est le boulot du vice-président. » McCain a pris acte de ce « désaccord » et rappelé qu’il avait à l’inverse reçu le soutien de quatre anciens secrétaires d’État. Les critiques de Powell, explique-t-il, ne peuvent que « le faire rire ». Un rire un peu jaune, sans doute. Pressé d’asseoir sa légitimité de « commandant en chef », Obama a en tout cas sauté sur l’occasion : « Ce matin, un grand soldat, un grand homme d’État et un grand Américain s’est rallié à notre campagne pour changer l’Amérique », a-t-il déclaré à Fayetteville, en Caroline du Nord. Le lendemain, il a précisé qu’il envisageait de faire du général l’un de ses conseillers. Ce qui ne déplairait pas à bon nombre de diplomates européens, qui le considèrent comme l’un des seuls à pouvoir agir en faveur du processus de paix israélo-palestinien, aujourd’hui moribond. Powell aux côtés d’Obama, ce serait un juste retour des choses. Car ce fils d’immigrés jamaïcains, élevé dans le South Bronx, a, d’une certaine manière, préparé l’opinion et rendu possible la fulgurante ascension du jeune démocrate. Premier chef d’état-major noir, il fut aussi le premier Africain-Américain à pouvoir sérieusement prétendre à la magistrature suprême et le premier homme politique « post-racial » : la couleur de sa peau a toujours joué un rôle secondaire dans sa carrière. Il est l’auteur de ce qu’on a appelé la « doctrine Powell », qui fixe des conditions précises et raisonnables à toute intervention militaire américaine à l’étranger. Tout le contraire, en somme, de la politique menée contre Saddam Hussein par les néoconservateurs de la première administration Bush, dont il ne partageait pas, il s’en faut, toutes les idées…Seule « tache », selon ses propres termes, sur son CV : son intervention devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le 5 février 2003, pour démontrer la présence d’armes de destruction massive en Irak, alors que lui-même ne croyait pas aux « preuves » qu’il avait été chargé de produire. Après la première guerre du Golfe (1991), sa popularité était considérable. Son calme et sa retenue auraient pu faire de lui un sérieux rival de Bill Clinton lors de l’élection de 1996. Sollicité par les républicains, il refusa de se présenter. La raison ? Sa femme, Alma, ne lui laissa pas le choix : « C’est la campagne présidentielle ou moi. » Michelle Obama, elle, a cédé.

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