Arche de Zoé : la France doit payer
Il y a un an, le 25 octobre 2007, éclatait l’incroyable affaire de l’Arche de Zoé. Cent trois enfants tchadiens, qui n’étaient ni darfouris, ni malades, ni orphelins, enlevés par un groupe de forcenés de l’humanitaire, et libérés in extremis alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer à bord d’un vol charter sur l’aéroport d’Abéché, dans l’est du Tchad. Un an plus tard, les six responsables de ce scandale sont tous en liberté, après avoir accompli au total cinq mois de prison – deux mois au Tchad, et trois en France –, ce qui peut paraître dérisoire au regard des chefs d’inculpation retenus à leur encontre. Quant aux compensations financières promises aux familles abusées des enfants, elles sont restées lettre morte. « Il est hors de question que les contribuables français paient pour des erreurs que la France n’a pas commises », avait prévenu le Premier ministre François Fillon, début avril 2008, au lendemain de la grâce accordée aux coupables par le président Idriss Déby Itno. Une phrase qui prend toute sa valeur quand on sait que François Fillon a attendu, pour la prononcer, que la France ait obtenu du Tchad tout ce qu’elle exigeait de lui : l’extradition, puis l’absolution des ravisseurs-fournisseurs d’enfants. Certes, on doit admettre que l’État français ne saurait être tenu responsable sur le plan pénal des infractions commises par ses ressortissants dans d’autres pays. Mais cette affaire exceptionnelle n’a-t-elle pas mobilisé, à deux reprises, le chef de l’État français lui-même, lequel s’est rendu à N’Djamena en novembre 2007, et de nouveau en février 2008, afin d’arracher la libération, puis la grâce d’Éric Breteau et de ses complices ? Imagine-t-on une seconde la réponse qui aurait été réservée à une démarche de ce type effectuée en France par un président africain ? Dans la mesure où Nicolas Sarkozy lui-même est intervenu directement dans ce dossier judiciaire étranger, la moindre des choses serait que l’Élysée et le Quai d’Orsay se soucient a minima du sort des familles des enfants victimes. D’autant que, si l’on en croit Idriss Déby Itno, son homologue français lui aurait promis de « l’assister » sur ce terrain. Et surtout que, par jugement en date du 28 janvier 2008, la justice française a reconnu la validité de la procédure tchadienne. Une possibilité existe, pourtant, qui consisterait pour l’État français à verser aux familles tout ou partie des indemnités qui leur sont dues, puis à se retourner contre les condamnés. Au lieu de cela, la chancellerie « conseille » aux parents – pour la plupart démunis et analphabètes – de saisir la justice tchadienne, afin qu’elle obtienne de la française la conversion de la condamnation (l’exequatur). Puis de commettre des huissiers pour en obtenir l’exécution. Ubuesque, méprisant, et somme toute : immoral.
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