Prince Johnson, 
du kalachnikov à l’Évangile


Publié le 17 novembre 2008 Lecture : 2 minutes.

« Blaise Compaoré nous a demandé de l’aider à évincer Sankara. Il avait le contrôle des Forces spéciales chargées de la protection du chef de l’État, il était très facile d’infiltrer ces dernières. J’ai pris le commandement du groupe et préparé l’attaque. Nous avons fait l’opération ensemble. » En reprenant le 25 octobre sur Radio France internationale les propos qu’il avait tenus au mois d’août devant la Commission Vérité et Réconciliation, au Liberia, Prince Yormie Johnson lève-t-il vraiment le voile sur l’assassinat de l’ancien président burkinabè, le 15 octobre 1987 ?  Outre la volonté de Compaoré de se débarrasser de son frère d’armes, cette opération aurait selon lui pour origine le refus de Sankara d’aider le National Patriotic Front of Liberia (NPFL), de Charles Taylor, à renverser Samuel Doe, le président libérien de l’époque. Si la relation entre Compaoré et Taylor, de même que la présence d’éléments du NPFL à Ouagadougou à partir d’août 1987, sont de notoriété publique, rien ne permet d’affirmer que Johnson, qui était le lieutenant de Taylor, fut chargé de liquider le père de la révolution burkinabè. « Ces déclarations n’apportent rien de neuf et sont erronées. Les assassins sont tous des soldats burkinabè dont les noms sont connus », commente Bruno Jaffré, le biographe de Sankara. Pour l’opposant Bénéwendé Sankara, « l’implication de Libériens dans le coup est avérée, mais on ignore à quel niveau ». Une thèse identique à la déposition de John Tarnue, le 4 octobre 2004, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Selon cet ancien responsable de la formation des combattants du NPFL promu général des forces armées du Liberia en 1997, « Compaoré a expliqué à Taylor qu’il voulait prendre la tête du pays. Et qu’il avait besoin de ses hommes pour renforcer ses deux escouades, en contrepartie d’un soutien à la rébellion libérienne. » Tortionnaire patenté, Johnson, 56 ans, n’en est pas à sa première déclaration fracassante et sujette à caution. En 1990, devenu le rival de Taylor et ayant pris la tête d’une faction dissidente, le NPFL Indépendant (INPFL), il s’illustra sinistrement en ordonnant l’exécution de Doe sur une plage de Monrovia. Filmée, l’horrible scène fit le tour du monde, ce qui n’empêcha pas Johnson de prétendre qu’il s’agissait d’un suicide.  Exilé au Nigeria en 1994 en raison de dissensions au sein de la rébellion, il est rentré dans son pays en 2004, apparemment touché par la grâce divine et devenu chrétien évangélique. Depuis octobre 2005, il siège au Sénat libérien, dont il préside la commission de Défense. Reste que, vrais ou faux, ses propos pourraient avoir le mérite de relancer l’enquête sur les circonstances du décès de Thomas Sankara.

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