Un bel exemple de coopération


Publié le 17 novembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Avez-vous jamais entendu parler du beghrir radioactif ? Le beghrir, on connaît, c’est cette délicieuse spécialité maghrébine qu’on déguste dégoulinante de miel. On appelle ça aussi la crêpe à mille trous, encore que ce soit très exagéré : amusez-vous à compter les petits trous à la surface d’un beghrir, il n’y en a jamais plus d’une petite centaine. Mais on s’égare. Si on est là à parler cuisine, c’est à cause d’une avancée médicale en Europe et plus spécialement dans un hôpital de Bruxelles. Celui-ci a pris l’habitude de confectionner des crêpes radioactives pour faciliter certains examens médicaux. Bien entendu, le patient est au courant, il dévore la crêpe et bientôt les médecins peuvent suivre le trajet de l’aliment dans son corps grâce à la radioactivité. On n’arrête pas le progrès, ni la crêpe. Mais voilà que l’hôpital se heurte à un fait culturel de première importance : près de 20 % de ses clients ne sont pas belges de souche. La crêpe belge traditionnelle, surtout si elle contient de la graisse de porc ou carrément du lard, ça ne leur dit rien. Ça ne passe pas, en d’autres termes, et le radium reste coincé sous la luette. Qu’à cela ne tienne, dit l’administrateur de l’hôpital : on leur donnera ce qu’ils aiment. Pour les Maghrébins, le cuisinier de l’hôpital reçoit pour consigne de confectionner des beghrir. Il se procure un livre de cuisine, l’étudie attentivement et se met à produire des beghrir radioactifs tout à fait honorables mais souffrant d’un défaut rédhibitoire : ils ne comportent aucun trou. Le maître queux a beau faire, impossible de grêler la crêpe supposée à mille trous, qui se transforme en crêpe lisse, étale, opaque, tout ce qu’on veut sauf ce que les patients connaissent depuis l’enfance. Ceux-ci redoublent de méfiance et refusent d’ingérer le truc qui leur semble être fait de plastique. Le cuisinier jette sa toque par terre, la piétine de rage et affirme que ce maudit beghrir fait autant intervenir la magie que l’art culinaire. Tant et si bien que l’administration décide d’embaucher une matrone d’origine marocaine uniquement chargée de préparer des beghrir, à la grande joie des patients nord-africains. On peut rire de cette histoire, mais il faut quand même admirer le pragmatisme et la largeur de vue de l’hôpital belge. Et surtout, le beghrir radioactif, c’est un bel exemple de coopération entre les cultures, ce qui nous change du sinistre clash des civilisations…

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