La démocratie
 dans la rue

Publié le 14 novembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Ce n’est malheureusement pas vers les urnes que les Burkinabè se tournent lorsqu’ils veulent exprimer leurs souhaits de changement. Les dernières législatives l’ont prouvé. Le 6 mai 2007, à peine un électeur sur deux a pris la peine de faire un détour par l’isoloir. Ce qui a permis au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir) de renforcer son emprise sur le Parlement, le parti présidentiel remportant la majorité absolue avec 73 députés sur 111. Un an plus tôt, le même CDP s’arrogeait déjà une large victoire aux élections municipales, six mois seulement après la réélection de Blaise Compaoré à la présidence de la République. Faute d’une opposition suffisamment forte, on comprend le désintérêt croissant des Hommes intègres pour les rendez-vous électoraux. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas pour autant que le débat public ne les intéresse pas. Bien au contraire. Visiblement déçus pas l’unanimisme qui prévaut sur la scène politique, les Ouagalais ont inventé mille et une manières de revendiquer. Fer de lance de la contestation dans les années 1970, le syndicalisme voltaïque, puis burkinabè, conserve une certaine audience parmi les travailleurs. Même si ses bastions traditionnels, comme Koudougou, la capitale du textile, ont souffert de la crise, une myriade d’organisations autonomes sont venues prendre la relève des mouvements qui ont contribué à écrire l’histoire économique et sociale du pays. Autre exemple de liberté d’expression, les médias burkinabè sont incontestablement parmi les plus diversifiés et les plus dynamiques d’Afrique francophone. La formidable mobilisation populaire consécutive à la mort du journaliste Norbert Zongo, en décembre 1998, témoigne de cet attachement à une liberté d’opinion et de ton qui ne date pas d’hier.â©Dix ans plus tard, si les revendications ont changé, la capacité de mobilisation n’en reste pas moins forte. Pour répondre aux dérapages hyperinflationnistes que le pays subit depuis un an, une réponse appropriée s’est progressivement ébauchée. Multipliant les mots d’ordre de grève générale et les appels à manifestation, la Coalition nationale de lutte contre la vie chère a entrepris de « réveiller le gouvernement de son long sommeil » face à la montée des prix des produits de première nécessité. À chaque problème, les Burkinabè ont donc choisi d’apporter une réponse ciblée. Parfois trop. Ainsi, à la fin 2006, les Ouagalais se sont violemment mobilisés contre… l’obligation faite aux conducteurs de deux-roues de porter un casque. On touche là aux limites de l’exercice. S’il est louable de voir la société civile se mobiliser lorsque les enjeux en valent la peine, le risque est grand de voir les revendications corporatistes se multiplier, au point de confondre l’intérêt général avec la somme des intérêts particuliers. Or les quelque 14 millions de Burkinabè ont globalement la même aspiration : obtenir une plus juste répartition des fruits d’une croissance qui devrait atteindre 8 % du PIB en 2008. Et c’est justement sur ce type de débat que l’absence d’opposition se fait cruellement sentir.

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