Entre les deux, leur cœur balance… de moins en moins

Les salariées blanches gagnant moins de 50 000 dollars par an se laissent peu à peu séduire par Obama. Or elles représentent 25 % de l’électorat.

Publié le 14 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

On le sentait depuis que l’ouragan financier a focalisé la campagne électorale américaine sur l’économie : Barack Obama ne cesse de marquer des points dans l’électorat traditionnel de John McCain. En témoigne un sondage réalisé, au cours du week-end du 4 octobre, par le quotidien conservateur The Wall Street Journal auprès d’un échantillon de salariées de la classe moyenne gagnant moins de 50 000 dollars par an. Leur vote pèsera lourd, cette catégorie sociale représentant presque 25 % du corps électoral. Le sondage place les candidats démocrate et républicain à égalité, avec 45 % d’intentions de vote. Or, il y a seulement deux semaines, le second l’emportait sur le premier de douze points. Ce retournement de l’électorat féminin explique qu’Obama gagne du terrain dans les États qui seront déterminants – les fameux Swing States –, comme le Michigan, l’Ohio, la Pennsylvanie, la Caroline du Nord et l’Indiana, tous à dominante ouvrière et rurale. Le même sondage confirme que Sarah Palin, la colistière de McCain, a perdu beaucoup de son crédit auprès des femmes. Il y a un mois, 47 % des salariées blanches estimaient qu’elle était qualifiée pour le job de vice-présidente, et 40 % qu’elle ne l’était pas. Désormais, 48 % des salariées blanches ne la jugent pas prête, contre 43 % qui pensent le contraire. Et c’est bien ça la bonne nouvelle pour Obama : elles le considèrent peu à peu avec des yeux neufs et se reconnaissent de moins en moins dans la gouverneure de l’Alaska, qui les avait d’abord séduites pour sa capacité à mener de front vie de famille et mandat électoral. « Elle a été incapable de citer un seul journal qu’elle lirait régulièrement ! » s’exclame Hannah, une « bobo » washingtonienne qui n’apprécie guère les mœurs chasseresses de Palin et son art du dépeçage du caribou, « qui ne lui servira guère à la Maison Blanche », ironise-t-elle. Les Blanches de la classe moyenne américaine étaient majoritairement convaincues que, une fois élu, Obama avantagerait les salariés noirs pour leur permettre de surmonter leur handicap économique et social historique. À leur détriment, bien sûr… Plus attentives que les hommes à l’argent du ménage, elles font leurs comptes et constatent que le chômage augmente et que l’inflation rogne leur pouvoir d’achat. Sans parler de la crise financière, qui réduit comme peau de chagrin le petit portefeuille boursier qu’elles sont parvenues à constituer pour leur retraite. « Qui a préconisé d’ouvrir nos frontières à tout-va, ce qui nous a fait perdre des milliers d’emplois délocalisés en Chine ou en Inde ? Les républicains. Qui a encouragé le laisser-faire financier responsable de la crise ? Encore les républicains. » Retraitée de l’industrie automobile, Angela commence à penser que, tout noir qu’il soit, Obama est sans doute plus capable de protéger les emplois américains que le républicain McCain. Lequel, à la veille de l’effondrement de Wall Street, s’obstinait à déclarer que « les fondamentaux de l’économie sont sains ». Elle se convainc peu à peu qu’une fois président Obama sera attentif à la cause du troisième âge, puisqu’il était très proche de ses grands-parents maternels – blancs, comme l’on sait. Elle en oublie sa peur irraisonnée d’une agression quand elle doit garer sa voiture dans une zone à dominante noire. Tout semble donc indiquer que le candidat démocrate est désormais hors d’atteinte, les sondages lui donnant avec constance, depuis un mois, un avantage de 8 à 9 points sur son adversaire républicain. Mais ce n’est peut-être pas si simple. Une polémique fait rage, en effet, chez les spécialistes quant à un éventuel « effet Bradley » susceptible de le priver de la victoire. Cette thèse s’appuie sur l’exemple de Tom Bradley, le maire africain-américain de Los Angeles, que tous les sondages donnaient gagnant, en 1982, pour le poste de gouverneur de la Californie, et qui fut néanmoins battu par son challengeur républicain. Autrement dit, certains électeurs blancs n’oseraient pas avouer aux sondeurs qu’ils refusent de voter pour un Noir, ce qu’ils font pourtant dans le secret de l’isoloir. Obama risque-t-il d’en faire les frais ? Oui, disent les uns, qui doutent que les mentalités aient évolué et rappellent que les « pauvres Blancs » rechignent à répondre aux questions des sondeurs. Non, soutiennent les autres, qui s’appuient sur un sondage Gallup de décembre 2007 selon lequel les Blancs interrogés ne sont plus que 5 % à refuser de voter pour un Noir à la présidentielle, alors qu’ils étaient 19 % en 1989 et 58 % en 1958. On saura au soir du 4 novembre si cette querelle est ou non dépassée.

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