Souleymane
 Bachir Diagne


Universitaire sénégalais, professeur de philosophie et d’études francophones à Columbia University (New York)

Publié le 14 novembre 2008 Lecture : 2 minutes.

jeune afrique : Barack Obama se présente comme le candidat de la réconciliation entre tous les Américains. Slogan ou réalité ?

SOULEYMANE BACHIR DIAGNE : Même s’il vient de l’aile gauche du Parti démocrate, Obama a toujours eu une image de pragmatique et de rassembleur. C’est même la raison pour laquelle les républicains s’efforcent de le pousser vers l’extrême gauche en rappelant qu’à l’époque où il était universitaire il vivait à Hyde Park, près de l’université de Chicago, qui est un bastion de la gauche américaine. Mais son histoire personnelle en témoigne : Obama est l’incarnation de la réconciliation raciale. L’Amérique découvre en lui son propre visage postracial. Ce n’est pas Obama qui a fabriqué l’Amérique postraciale, il n’a fait que la révéler. Mais parallèlement, il exacerbe les dernières résistances, les combats d’arrière-garde, des deux côtés. L’establish­ment noir, qui vivait sur son fonds de commerce – la dénonciation du racisme –, est bousculé. Les milieux conservateurs, qui ne sont pas prêts à voter pour un Noir, ne le sont pas moins. Obama dérange des positions établies par un racisme en quelque sorte structurel qui est loin d’avoir totalement disparu.

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Pour l’Afrique, Obama est-il un symbole ? Peut-il être l’homme qui mettra fin à une histoire traumatique et affirmera l’égalité entre Blancs et Noirs ?

Le continent avait déjà réagi positivement, en 1998, à la visite de Bill Clinton sur l’île de Gorée, au Sénégal, où il avait évoqué l’esclavage. Mais le symbole Obama est beaucoup plus fort : c’est celui d’une égalité absolue. Rien ne peut remplacer cela dans l’imaginaire africain. On peut y voir une revanche sur l’Histoire… La fierté de voir un homme dont les racines sont en partie africaines aux portes du pouvoir dans la première puissance mondiale est évidente. Le sentiment qui prévaut est un mélange d’étonnement et d’admiration pour les États-Unis, qui, il faut quand même s’en souvenir, vivaient il n’y a pas si longtemps sous le régime de la ségrégation. Et puis, il y a un sentiment plus irrationnel – que je ne partage pas – qui consiste à espérer que la victoire d’Obama se traduise par une réorientation vers l’Afrique de la politique américaine.

Obama aurait-il existé sans Colin Powell et Condoleezza Rice ?

Probablement pas. Powell a, le premier, incarné cette Amérique postraciale : n’a-t-il pas un moment envisagé de briguer la Maison Blanche ? Ensuite, Condi Rice s’est imposée et l’opinion s’est peu à peu habituée à voir des hommes et des femmes noirs occuper les plus hautes responsabilités. Ce fut une rupture complète avec le leadership noir traditionnel. Un Jesse Jackson, par exemple, a construit toute sa carrière politique sur la défense des intérêts des Africains-Américains, sur l’affirmation de l’identité noire et, au final, sur un certain com­munautarisme.

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