Taïeb Fassi Fihri


Ministre marocain des Affaires étrangères

Publié le 13 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Le Maroc est le premier pays à se voir octroyer un statut avancé. Comment l’expliquez-vous ?

Taïeb Fassi Fihri : Pour le Maroc, ce « statut avancé » constitue une étape supplémentaire dans une relation déjà ancienne avec l’Union européenne (UE). L’UE a toujours exprimé sa volonté de développer une politique de voisinage qui aille plus loin que la politique d’association. En 2003, le président de la Commission de l’époque, Romano Prodi, avait recommandé d’atteindre, avec ceux qui étaient prêts, « tout, sauf les institutions ». Le Maroc a pris le parti de cette politique de différenciation, qui rencontrait parfaitement sa volonté d’aller toujours plus loin dans ses relations avec l’UE. Mais n’oublions pas que l’objectif final, à plus long terme, c’est d’instaurer, à l’échelle de toute la région méditerranéenne, une zone de progrès, de paix et de prospérité.

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La mise en œuvre de ce nouveau statut ne risque-t-elle pas de détourner le Maroc de ses voisins du Sud et de l’Est ?

Pas du tout. Nous constatons d’abord qu’il y a malheureusement, au Maghreb, depuis des décennies, un blocage qui a porté préjudice au développement de l’Union du Maghreb arabe. Mais, d’un point de vue stratégique, nous clamons haut et fort que l’avenir du Maroc est avant tout au sein du Maghreb arabe. Évidemment, une relation avec un partenaire aussi important que l’UE ne pouvait pas rester statique, et le Maroc s’est donné les moyens de l’approfondir. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une démarche qui irait à l’encontre de la construction maghrébine ou du renforcement de la Ligue arabe. Je tiens également à rappeler que notre tradition de développement des relations avec les pays frères, au sud du Sahara, est elle aussi plus vivace que jamais. En témoignent les nombreuses visites effectuées par Sa Majesté qui ont pour vocation de renforcer les liens du Maroc avec les pays subsahariens. Ce statut avancé peut incontestablement constituer un modèle pour les États riverains de la Méditerranée. Mais il n’est en rien contradictoire avec nos réalités, qui sont avant tout africaines.

Que stipule la feuille de route sur la question de l’immigration ?

D’une manière générale, la feuille de route réaffirme notre volonté conjointe de mieux gérer la circulation des personnes. Tout d’abord, il faut organiser et favoriser la migration légale et permettre une meilleure mobilité pour tous ceux qui vont en Europe dans le cadre de ce partenariat. Un partenariat n’existe que par les talents et les hommes qui le font vivre. Nous demandons donc une simplification dans les procédures d’obtention des visas. D’autre part, il faut lutter ensemble contre l’immigration illégale, qui charrie avec elle tout un ensemble de phénomènes néfastes. Dans le cadre de ce travail se pose pour le Maroc le problème de la réadmission des immigrés clandestins qui ont transité par le Maroc avant d’atteindre le sol européen. Le Maroc en accepte le principe pour l’ensemble de ses ressortissants ainsi que pour ceux, non marocains, qui ont atteint le territoire européen dans le cadre d’une responsabilité marocaine. Mais il est certain que le Maroc ne peut accueillir tous les immigrés en situation irrégulière : lorsque des bateaux en provenance du Sénégal ou de la Guinée accostent sur nos côtes, en quoi le Maroc est-il responsable ? Aujourd’hui, nous sommes en négociation sur les modalités pratiques de cette réadmission et nous allons préciser le cadre de la responsabilité marocaine. Enfin, et c’est un volet essentiel, la migration ne peut être gérée que si l’on répond plus efficacement à l’équation du développement. Et là nous lançons un appel à l’UE pour contribuer davantage et mieux au développement dans les pays du Sud. En tant qu’Africain, je réaffirme ma conviction : on ne quitte pas son pays pour un supposé eldorado, mais d’abord pour des raisons socio-économiques.

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