Le grand bond en avant
L’Union européenne octroie au royaume chérifien le « statut avancé » qu’il convoitait depuis 2000. Et salue les réformes engagées sous le règne de Mohammed VI.
María Teresa Fernández de la Vega, vice-présidente du gouvernement espagnol, l’avait annoncé une semaine auparavant, à Rabat : « Le 13 octobre sera un jour heureux pour le Maroc. » À l’issue de la 7e session du Conseil d’association entre le Maroc et l’Union européenne (UE), à Luxembourg, les ministres européens des Affaires étrangères ont en effet accordé au royaume chérifien le « statut avancé » qu’il négocie depuis 2000. Celui-ci se décline en une feuille de route signée par les chefs de la diplomatie et qui porte sur les affaires générales et les relations extérieures pour les années à venir. Le Maroc devient ainsi le premier pays de la rive sud de la Méditerranée à bénéficier d’un tel statut. Lors de son dernier rapport sur la politique de voisinage, la Commission avait jugé que trois autres pays seulement pouvaient y prétendre : Israël, la Moldavie et l’Ukraine. Selon la définition que Romano Prodi avait donnée de ce statut en 2003, le Maroc accède par cet accord à « tout, sauf aux institutions » de l’UE. Concrètement, la feuille de route a permis de prendre un train de mesures précises, qui entrent en application immédiatement. Sur le plan politique et stratégique, le Maroc et l’UE ont décidé de lancer un dialogue ad hoc renforcé entre gouvernements, parlementaires et acteurs de la société civile. L’accord prévoit la tenue de sommets réguliers dont la périodicité n’a cependant pas encore été définie. La mise en place d’un accord-cadre permettra au Maroc de participer aux opérations européennes de gestion de crise. Enfin, la possibilité désormais offerte au royaume d’adhérer aux conventions du Conseil de l’Europe consacre son engagement irréversible en faveur de la promotion des droits de l’homme. En matière économique, le Maroc est appelé à intégrer progressivement « un espace économique commun » s’inspirant des règles qui régissent l’espace économique européen. Pour y parvenir, le royaume, dont plus de 60 % du commerce extérieur se fait avec l’UE, aura à négocier un accord de libre-échange « global et approfondi » sur les biens, les services et les capitaux, et devra s’adapter à la législation européenne. Afin d’accélérer la mise en œuvre de cette nouvelle étape statutaire, l’UE pourrait accroître son aide au Maroc – déjà premier bénéficiaire des fonds européens destinés aux « pays voisins » (654 millions d’euros pour 2007-2010). La gestion des flux migratoires est, quant à elle, l’objet de négociations difficiles. Rabat, qui refuse de devenir la « poubelle » de l’Europe, veut parvenir à un accord sur les règles de réadmission des immigrés non marocains ayant transité par le Maroc. Le renforcement des liens avec l’Union se traduira par la participation du royaume à certaines agences européennes spécialisées comme Eurojust (justice), Europol (police), l’Agence européenne de la sécurité aérienne ou le programme Marco Polo pour les transports. Jusqu’ici, les relations entre Bruxelles et Rabat étaient régies par un accord d’association signé en 1996 et entré en vigueur en 2000. Il s’inscrit dans la même ligne que celui dont bénéficient toujours la Tunisie ou l’Algérie dans le cadre de « la politique de voisinage » de l’UE. Mais depuis le rejet de sa demande d’adhésion en 1987, le Maroc n’a jamais caché sa volonté d’aller plus loin que l’association, mettant en avant sa proximité géographique et historique et l’intensité de ses flux commerciaux et humains avec le Vieux Continent. Lors de sa visite d’État à Paris, en mars 2000, le roi Mohammed VI avait plaidé en faveur d’un « partenariat qui serait à la fois plus et mieux que l’association, et un peu moins que l’adhésion ». Pour Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne chargée des Relations extérieures et de la Politique de voisinage, « l’octroi de ce statut marque notre reconnaissance pour les réformes qui ont été engagées par le Maroc et pour la bonne coopération bilatérale ». Le « statut avancé » est donc avant tout un acte de foi dans les choix stratégiques qu’a opérés le Maroc. Le programme de modernisation de la justice, la mise en œuvre de politiques économique et financière saines, la réforme du code de la famille sont autant de réformes qui ont joué en faveur du royaume. Si le statut avancé témoigne du rôle d’avant-garde du Maroc dans le partenariat euroméditerranéen, il préfigure aussi ce que pourraient être à long terme les relations entre l’UE et les pays voisins, et lance un signal fort à l’intention des autres pays du Maghreb. Benita Ferrero-Waldner l’a rappelé : « L’expérience du royaume pourrait inciter d’autres pays à emprunter la même voie. »
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