21 octobre 2003
Jean Hélène est assassiné à Abidjan

Publié le 13 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Avec son chapeau mou, son gilet multipoche, sa modestie et sa réserve, il n’avait rien du flamboyant reporter. Pourtant il en était un, et parmi les meilleurs. Ce que le correspondant de RFI aimait, c’était « mettre de la latérite sur ses connaissances », arpenter l’Afrique à la rencontre des petites gens. Il racontait inlassablement leur quotidien, en temps de paix comme en temps de crise. Il avait échappé aux milices, aux snipers, aux tirs de roquettes, bref aux multiples dangers d’une Afrique en conflit. Jusqu’au 21 octobre 2003 quand, à Abidjan, un sergent a décidé de lui ôter la vie.âCe soir-là, alors que les chauves-souris commencent leur tintamarre au sommet des manguiers géants dans le quartier du Plateau, Jean gare la voiture de RFI, une Renault Clio rouge, non loin de la « Sûreté », la direction de la police nationale. Il veut interviewer les onze membres du Rassemblement des républicains (RDR) qui doivent être remis en liberté après une énième garde à vue. Le sergent Théodore Séry Dago s’approche de la voiture puis remonte dans le bâtiment pour rapporter à un supérieur la présence d’un « Blanc assis dans la voiture en train de téléphoner ». On lui recommande de laisser le « journaliste tranquille ». Pourtant, le sergent retourne dans la rue et se dirige vers la voiture. Jean se tient debout à côté de la portière. Sans que l’on sache pourquoi, le sergent Séry Dago le frappe alors violemment au ventre avec la crosse de son fusil d’assaut. Puis il pointe alors son arme sur la tête du journaliste et tire. Jean s’effondre, mort sur le coup. Séry Dago rentre tranquillement dans les bureaux et annonce qu’il vient de tuer un journaliste. Le sergent est coupable, ses dénégations au début du procès ne serviront à rien. La justice militaire, dont il dépend, l’a condamné le 22 janvier 2004 à dix-sept ans de prison. Il purge toujours sa peine. Pourtant, lors de l’ouverture de son procès, le jeune policier était hilare. Il était sûr d’être dans son bon droit, d’avoir fait ce qu’il fallait : débarrasser la Côte d’Ivoire d’un de ces journalistes étrangers « adversaires » de la nation. Il n’a été finalement que le bras armé d’un courant de pensée de plus en plus répandu, imputant aux journalistes des desseins cachés. Depuis longtemps ils étaient devenus des cibles. Dans ce climat de défiance, les journalistes français, et plus encore ceux de RFI, étaient les premiers visés. Jean savait qu’il était en danger, il était prudent, plus que ses prédécesseurs. Ce n’est pas lui que Séry Dago voulait faire taire finalement, mais « la RFI » et les médias étrangers en général, honnis par le pouvoir et ses représentants. La guerre ouverte contre les médias occidentaux avait commencé sous Bédié, elle s’est intensifiée après l’élection de Laurent Gbagbo. Notre voie, le journal du Front populaire ivoirien, le parti au pouvoir, écrivait par exemple, peu avant le meurtre : « La Côte d’Ivoire n’a pas pour seuls adversaires les terroristes [les rebelles qui partagent aujourd’hui le pouvoir avec le FPI, NDLR]. Elle en a d’autres, et non des moindres : il s’agit de la presse internationale. » Le meurtre de Jean Hélène n’aura été que le fruit d’une haine entretenue. Séry Dago est loin d’être le seul responsable de sa mort. Sans aucun respect pour les défunts, la presse locale a même continué à relayer des insinuations douteuses après la mort de Jean, crachant sans vergogne sur sa tombe, toujours dans la plus grande impunité.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires