Bénin : les grandes ambitions du port de Cotonou
D’un côté, de nouvelles infrastructures doivent augmenter ses capacités. De l’autre, un meilleur recouvrement des ressources douanières vise à le rendre plus rentable. Le port de Cotonou (Bénin) tente de rivaliser avec ceux de Dakar et Abidjan.
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Un long serpent de 300 m de béton armé, coulé sur des blocs de pierre, soutenu par de gigantesques pylônes en pleine mer… L’épi d’arrêt de sable du Port autonome de Cotonou (PAC) fait la fierté des Béninois. Mais c’est d’abord un investissement majeur – 14,6 milliards de F CFA (22,2 millions d’euros), financé principalement par les États-Unis à travers le projet Millennium Challenge Account Bénin – qui place directement le PAC en situation de concurrence avec ses homologues de Côte d’Ivoire et du Sénégal.
L’infrastructure, livrée en mars 2011, est destinée à lutter contre l’ensablement du chenal, de la passe d’entrée et du bassin portuaire. Mais pas seulement. Elle permet de réduire le temps d’attente des navires en rade et, pour ceux qui ont un important tirant d’eau (jusqu’à 12 m), d’accoster au PAC. Jusqu’à cette année, coincé entre le sable et les formalités administratives, un navire de grande taille pouvait facilement passer un mois au port. Il ne manquait plus à ce dernier qu’un petit mètre cinquante de profondeur supplémentaire pour jouer à armes égales avec son adversaire direct dans un pays francophone, le Port autonome d’Abidjan (PAA).
Incontournable ?
Autre projet de taille : le français Bolloré Africa Logistics, concessionnaire du terminal à conteneurs depuis 2009 – et pour vingt-cinq ans –, s’attelle à construire de nouvelles infrastructures qui permettront de porter le trafic annuel de conteneurs de 321 000 à 1 million d’équivalents vingt pieds d’ici à vingt ans. Le « petit » port de Cotonou voit grand.
Limité par son plan d’eau de 80 ha, (contre 1 000 ha pour Abidjan et 177 ha pour Dakar), le PAC mise aussi sur la construction de ports secs pour imposer le Bénin comme un point de passage incontournable du trafic sous-régional. Celui de Parakou, dans le nord du pays, d’un coût de 70 milliards à 100 milliards de F CFA (le devis n’est pas encore bouclé), devrait s’étendre sur 100 ha. Sa réalisation est cependant freinée par une querelle politico-financière entre le gouvernement et le premier attributaire du marché, le Béninois Samuel Dossou, ainsi que d’autres investisseurs étrangers qui frappent à la porte du projet. Une querelle relativisée par Joseph Ahanhanzo, directeur général du PAC : « Il s’agit juste de renforcer le premier opérateur avec un deuxième. L’objectif est d’accélérer les travaux. »
Autre problème : l’impraticabilité du réseau ferroviaire qui relie le nord au sud. « L’idée d’un port sec va avec celle du transport des marchandises, explique Joseph Ahanhanzo. Il faut donc au préalable réhabiliter les rails. » Les autorités estiment que cette phase préalable devrait être bouclée au plus tard en 2012, et que le port sec de Parakou devrait être opérationnel au plus tard à la fin de 2013. Objectif : séduire les opérateurs économiques basés au Niger (notamment le français Areva, producteur d’uranium), au Mali, au Burkina Faso et au Tchad. C’est aussi une façon pour le PAC de freiner l’ambition dévorante du PAA sur le marché de l’hinterland.
Quant au port sec de Tori Cada, dans le Sud, d’une superficie de 101 ha et dont le coup d’envoi des premiers travaux devrait être donné ce mois-ci par le président Thomas Boni Yayi, il vise principalement le marché intérieur. Coût du projet : 70 milliards de F CFA. Les entreprises Hemos (Bénin) et CIAT (Côte d’Ivoire), qui ont raflé ce marché, ont deux ans pour finir les travaux.
Réformes
Au-delà des infrastructures, la stratégie du gouvernement repose aussi sur des réformes administratives, et notamment sur celle du Programme de vérification des importations (PVI). Alors qu’un tel programme est déjà en vigueur au port d’Abidjan, le PVI a été combattu en vain par le Syndicat des douaniers du Bénin (Sydob), qui dénonce la privatisation d’une opération dont la corporation avait le monopole. En réalité, le gouvernement soupçonne les douaniers de délivrer des redevances fantaisistes aux transitaires et de faire perdre des recettes à l’État. Le PVI, dit-on au ministère de l’Économie et des Finances, vise « à améliorer le recouvrement des ressources douanières, à travers une meilleure appréciation de la valeur qui doit permettre le dédouanement ». Un cadre du ministère de l’Économie maritime et des Infrastructures portuaires révèle qu’avec le PVI « l’État espère au minimum doubler ses recettes douanières [plus de 300 milliards de F CFA attendus cette année, NDLR] d’ici à 2015 ».
Piraterie
La mise en œuvre du PVI pourrait cependant s’avérer en partie contre-productive dans la guerre économique à laquelle se livrent les ports de la région pour fidéliser les importateurs et exportateurs des pays de l’hinterland. Ainsi les opérateurs nigériens craignent-ils un accroissement des redevances, alors que Cotonou reste actuellement pour eux la destination la plus avantageuse. « Le transit de la tonne entre le Bénin et le Niger vaut 36 000 F CFA… alors qu’en passant par Lomé, au Togo, ou Tema, au Ghana, le prix varie entre 58 000 et 70 000 F CFA », affirmait Mahamane Salah, le président du Syndicat national des commerçants du Niger, lors d’un boycott du PAC décidé par les opérateurs nigériens en mai 2011.
Reste enfin la question de la piraterie : le phénomène, apparu depuis peu dans le golfe de Guinée, commence à toucher les côtes béninoises et fait fuir certains navires. « Nous avons une patrouille conjointe Bénin-Nigeria sur les eaux territoriales des deux pays, révèle Joseph Ahanhanzo. En outre, nous avons sollicité l’Union africaine et l’ONU dans une approche régionale. La France et les États-Unis se proposent de nous accompagner dans ce combat, et l’Afrique du Sud va nous appuyer avec des forces navales. » Le PAC contre-attaque…
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