Bénin : une opposition en stand-by
Il y a eu l’échec d’Adrien Houngbédji, candidat de l’Union fait la nation au scrutin de 2011. Puis Léhady Soglo a claqué la porte de la coalition. Aujourd’hui, celle-ci se cherche un nouveau présidentiable.
Bénin : Boni Yayi II ou l’éloge de la rigueur
La calebasse s’est finalement fissurée. Lorsque les barons de l’opposition béninoise ont créé, en mars 2008, l’Union fait la nation (UN), reprenant la symbolique du récipient pour sceller leur pacte commun, l’ambition était clairement affichée. Les battus de l’élection présidentielle de 2006 – dont les scores cumulés au premier tour dépassaient les 55 % – avaient enfin décidé de faire cause commune autour d’une seule bannière et de mettre sous silence leurs rivalités.
Cet ovni politique suscitait alors un peu de moquerie et une bonne dose d’incrédulité. De fait, cette unité suintait le calcul et masquait difficilement le choc des ambitions. La bagarre, feutrée mais implacable, entre les deux champions, Adrien Houngbédji (Parti du renouveau démocratique, PRD) et Léhady Soglo (Renaissance du Bénin, RB), pour obtenir en petit conclave l’investiture à la présidentielle de mars 2011 a été de ce point de vue éclairante. Habile et madré, Houngbédji l’a emporté sur un Soglo pas encore totalement affranchi d’une encombrante tutelle parentale – l’ancien couple présidentiel Nicéphore et Rosine Soglo (1991-1996). Cette passe d’armes va laisser des traces.
L’UN n’est jamais parvenue à gommer l’apparence d’un club de Sudistes revanchards
Empêtré dans l’affaire des « Madoff béninois » (ICC Services et consorts) à seulement quelques mois de la fin de son premier mandat, fragilisé par un bilan en demi-teinte et menacé par des félons déboussolés par son incapacité à « faire de la politique » et à discipliner le travail gouvernemental, Boni Yayi n’en menait pas large en 2010. Mais avec l’énergie du désespoir, grâce à un engagement sincère pour son pays, poussé par une foi inébranlable en son destin… et aidé par les bons conseils des communicants d’Euro RSCG, il a inversé la tendance en quelques mois.
Crash
En face, l’UN n’est jamais parvenue à gommer l’apparence d’un club de Sudistes revanchards incapables de proposer un projet national. Après une cinglante défaite (le chef de l’État l’a emporté dès le premier tour avec 53,14 % des voix) suivie d’une déconvenue aux législatives d’avril, l’ovni, qui n’a jamais vraiment été en orbite, s’est crashé.
Premier à lâcher les commandes : Léhady Soglo. Son amertume de ne pas avoir été retenu ressurgit. « Il faut tirer les leçons de ces échecs : comment peut-on imaginer qu’une équipe défaillante soit reconduite ? » s’interroge-t-il. En clair, le président de la RB demande à prendre les manettes de l’UN et que les vieux briscards – le vaincu, Adrien Houngbédji, et le président de la coalition, Bruno Amoussou – soient mis sur la touche. Tous deux ont atteint la limite d’âge (70 ans) dans la course à la prochaine présidentielle, en 2016. « Houngbédji a été le maillon faible de l’UN », tranche Soglo en privé. Dans l’entourage du candidat, on accuse au contraire la RB de ne pas avoir suffisamment mouillé la chemise durant la campagne électorale. Ambiance. Le divorce annoncé est tout proche.
Le 23 mai, la RB répond favorablement aux appels du pied de Boni Yayi et rejoint la « majorité présidentielle plurielle », qui compte ainsi 63 sièges sur 83 à l’Assemblée nationale. À la clé pour la RB, un poste de ministre (Blaise Ahanhanzo-Glèlè à l’Environnement, l’Habitat et l’Urbanisme), une place au bureau de l’Assemblée nationale et une présidence de commission (celle des Affaires sociales). « Mais, surtout, un deal sur Cotonou… En échange de leur ralliement, les Soglo ont obtenu un accord pour les municipales de 2013, avec un désistement en leur faveur de la formation présidentielle [Forces cauris pour un Bénin émergent, NDLR] », persifle Bruno Amoussou. « Faux, cette question n’a pas été abordée », rétorque Léhady Soglo, le maire adjoint de la capitale économique, bien décidé à défendre son bilan en 2013 – avec son père comme tête de liste ?
Silence radio
« Quant au rajeunissement de l’UN, nous étions prêts à en discuter, ajoute Amoussou. Un parti qui n’est pas porté par un présidentiable n’a pas d’avenir, mais en deux semaines Léhady a claqué la porte. C’était un peu rude. » Quel avenir, dans ces conditions, pour cet attelage improbable ?
2013, l’épreuve de vérité
« Les prochaines élections municipales permettront d’évaluer l’impact du départ de la RB [Renaissance du Bénin, NDLR] », avance Bruno Amoussou, le président de l’Union fait la nation (UN), pas particulièrement inquiet. Selon lui, bon nombre de militants de la RB ont été déboussolés par le revirement des Soglo. Autant d’électeurs à conquérir, notamment à Cotonou, lors des élections municipales de 2013. « Il y aura vraisemblablement un candidat UN », avance-t-il. De son côté, Léhady Soglo déroule sa propre stratégie. Son alliance avec le pouvoir lui permet d’accélérer les projets dans sa ville (transports publics, aménagements urbains, construction de nouveaux marchés…) et donc de se constituer un bilan pour 2013 et une rampe de lancement pour… la présidentielle. « En 2016, la recomposition politique sera totale puisque Boni Yayi ne se représentera pas. Dans ces conditions, une proximité avec le pouvoir sortant ne sera pas forcément un avantage. Il y aura une prime à la rupture », pronostique Amoussou. PH.P.
Bruno Amoussou « aimerai[t] bien se retirer » et a d’ores et déjà laissé les rênes de sa formation, le Parti social démocrate (PSD), à Emmanuel Golou. Houngbédji est, lui, en silence radio depuis sa défaite. « Nous allons tenir en janvier une convention, et les débats sont en cours pour trouver notre présidentiable. La question est de savoir s’il faut l’exposer tout de suite ou le protéger d’ici à 2016 », explique le premier. « Je n’ai pas d’actualité politique et j’ai beaucoup voyagé, nous en sommes au stade de la réflexion », reconnaît le second. Le rebond n’est pas pour tout de suite.
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