Bénin : Pascal Irénée Koupaki, un Premier ministre « rigoureux »
On dit que c’est pour lui que le président a créé le poste de Premier ministre – qui ne figure pas dans la Constitution béninoise. Depuis six mois, ce technocrate concentre les attributions… et les attentions.
Bénin : Boni Yayi II ou l’éloge de la rigueur
Bénin, palais de la Marina. C’est l’heure du Conseil des ministres. Le chef de l’État, Boni Yayi, ayant d’autres obligations, c’est le Premier ministre, Pascal Irénée Koupaki, 60 ans, qui dirige la séance. Chacun fait le point sur ses dossiers, lui soupèse, arbitre et tranche. En deux heures, l’affaire est rondement menée et tout le monde retourne à son emploi du temps surchargé. « Il est très efficace au cours des réunions et ça va vite, avec lui », glisse un ministre.
Une primature en dur
Au Bénin, où la Constitution ne fait aucune allusion à la fonction, le Premier ministre ne tire pas sa légitimité du Parlement. C’était une promesse de campagne du président sortant que de s’adjoindre une primature. Le 28 mai 2011, près de deux mois après sa réinvestiture, le « détenteur du pouvoir exécutif » – qui, comme le dispose la Constitution, peut décider de déléguer une partie de ses pouvoirs, à l’exception de son domaine propre (nomination des ministres, des présidents des institutions de la République, accréditation des ambassadeurs, droit de grâce…) – a « recréé » le poste de Premier ministre – disparu en 1998 –, lui-même conservant le statut de « chef du gouvernement ». Hébergé pendant plus de quatre mois au premier étage du nouveau bâtiment de la présidence, alors que ses collaborateurs directs étaient hébergés au ministère du Plan, Pascal Koupaki a intégré les nouveaux locaux de la primature début octobre, dans la zone résidentielle qui jouxte l’aéroport de Cotonou. Cécile Manciaux
Après avoir occupé pendant deux ans le portefeuille stratégique de la Prospective, du Développement, de l’Évaluation des politiques publiques et de la Coordination de l’action gouvernementale, s’il y a bien une chose que Pascal Koupaki sait faire, c’est prendre des initiatives rapidement. Supervisant tous les grands dossiers, l’ex-banquier était déjà au cœur des décisions et, pour la majorité des Béninois, avant même l’annonce officielle de sa nomination le 28 mai dernier, il était clair que le poste devait lui revenir.
Désormais à la tête du gouvernement, « PIK », comme l’appellent ses compatriotes, n’en garde pas moins ses attributions précédentes. En témoigne l’intitulé à rallonge de sa fonction : Premier ministre chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, de l’Évaluation des politiques publiques, du Programme de dénationalisation et du Dialogue social.
Fidèle numéro deux
Dans le fond, rien ne change vraiment. Lors du premier quinquennat de Thomas Boni Yayi, Pascal Koupaki était déjà numéro deux dans l’ordre protocolaire béninois et assurait l’intérim du chef de l’État lors de ses déplacements. L’opération, toute cosmétique soit-elle, a tout de même permis de préserver les équilibres régionaux dans un pays où le clivage Nord-Sud tend à se creuser. En nommant ce natif de la ville côtière de Ouidah au poste de Premier ministre, Boni Yayi était en effet sûr de contenter son électorat sudiste, qui a été pour beaucoup dans sa victoire. Sans compter que jamais le technocrate n’a tenté de lui faire de l’ombre, délaissant même la présidence de son mouvement, l’Union pour le développement du Bénin nouveau (UDBN), pour se consacrer aux affaires de l’État.
Fidèle, donc. Mais pas complaisant. « Je suis un homme qui a sauté dans le train sans connaître sa destination », se plaît-il à préciser. Dans les couloirs du palais de la Marina, on confirme qu’il n’hésite pas à s’opposer, si besoin, à son mentor : « Il fait partie de ceux qui peuvent tout dire au chef de l’État, même les choses les plus rudes », confie un familier de la présidence.
En tout cas, son franc-parler ne semble pas lui avoir porté préjudice. Depuis que Boni Yayi a été élu en 2006, Pascal Koupaki est de tous les gouvernements, ses attributions ratissant de plus en plus large et ses fonctions montant en puissance à chaque remaniement. Successivement ministre de l’Économie et des Finances (2006), de la Prospective et du Développement (2007), puis ministre d’État (2009), PIK faisait déjà office de superministre à la fin du premier quinquennat.
Mister Yayi et docteur "Pik"
Le technocrate, qui ne fait montre d’aucune ambition, est surnommé « Monsieur la rigueur » par certains de ses collaborateurs. Il est réputé appliqué, méthodique, calme. Même l’opposition béninoise, pourtant prompte à la critique, salue son côté « structuré, organisé et réfléchi ». De quoi contrebalancer le caractère tumultueux du chef de l’État. Et force est de constater que, six mois après la formation du gouvernement, le tandem Yayi-Koupaki fonctionne plutôt bien. Le président occupe les terrains politique et diplomatique, pendant que son Premier ministre investit le champ financier… et le front de la contestation sociale.
Dans ce domaine, le début du second mandat a été secoué par des crises à répétition. Entre menaces de grèves générales des syndicats et débrayages récurrents des fonctionnaires, la machine béninoise, déjà en difficulté, s’est davantage grippée. Et c’est au Premier ministre qu’est échue la délicate mission de rencontrer les secrétaires généraux des centrales syndicales et de mener les discussions, notamment sur la revalorisation des salaires.
« Il sait parler aux gens et est capable de reconnaître quand les revendications sont fondées. Il n’est pas de mauvaise foi comme d’autres… » déclare Pascal Todjinou, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin, pourtant réputé pour ses féroces critiques à l’égard des membres du gouvernement. « Grâce à lui, au moins, nous serons consultés pour l’élaboration de la loi sur le droit de grève », ajoute-t-il. Ce que confirme l’un de ses camarades : « Avec PIK, on n’est pas toujours d’accord. Mais, au moins, on peut discuter. »
Premier ministre consensuel, donc, « mais pour combien de temps ? » s’interroge un observateur de la politique béninoise : « Pour que la croissance remonte, il faudra faire des sacrifices… Et puis il n’est pas sûr que PIK puisse s’opposer aux décisions un tantinet populistes de son chef. » Combien de temps ? C’est en effet la question que se posent nombre de Béninois, qui pensent déjà à 2016 et voient en Koupaki le plus probable dauphin de Boni Yayi. À moins que la rigueur – qui pour l’heure est son apanage –, liée à l’exercice du pouvoir, n’use sa cote de popularité.
À l’école Ouattara
De la BCEAO au FMI, Pascal Koupaki a fait ses premières armes auprès du chef de l’état ivoirien. Parcours.
Né à Ouidah en mai 1951, Pascal Irénée Koupaki obtient une maîtrise de sciences économiques en économétrie et planification à l’Université nationale du Bénin en 1975, puis un DESS en théories macroéconomiques à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne (1977). Il achève son cursus étudiant à Dakar, au Centre ouest-africain de formation et d’études bancaires (Cofeb), l’institut de formation de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). De 1979 à 1990, c’est donc tout naturellement qu’il fait ses premières armes en tant qu’économiste principal, puis directeur et assistant du gouverneur – Alassane uattara – au siège de l’institution bancaire régionale, sis dans la capitale sénégalaise.
Avec Houngbédji aussi
En novembre 1990, Pascal Koupaki suit Ouattara, nommé Premier ministre de Côte d’Ivoire, et devient son directeur adjoint de cabinet pendant trois ans. En septembre 1994, il devient conseiller du directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) – Ouattara encore – et ne revient au Bénin qu’en avril 1996, en tant que directeur de cabinet du Premier ministre, Adrien Houngbédji. En mai 1998, il retourne à la BCEAO, où il occupera les postes de directeur du département de la recherche, de conseiller spécial du gouverneur et de directeur du département des études et de la monnaie. Il sera membre du gouvernement de la banque jusqu’à son admission à la retraite, en avril 2006.
Pascal Koupaki revient alors au Bénin, où le chef de l’État nouvellement élu, Thomas Boni Yayi, le place successivement à la tête de deux portefeuilles (Économie puis Prospective), et enfin à la primature. À son actif : les réformes structurelles de plusieurs secteurs, notamment la banque, le coton, les télécoms et l’industrie. Son principal échec reste celui de la privatisation de l’outil industriel de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonara).C.M.
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