Madagascar – France : Ben Andriamaitso, champion de scratch

Arrivé en France à 3 ans, Ben Andriamaitso est devenu champion du monde des DJ en 2000. Le Malgache continue depuis à développer son art de la platine.

Ben Andriamaitso, musicien d’origine malgache plus connu sous le nom de DJ Kodh. © Véronique Besnard pour J.A.

Ben Andriamaitso, musicien d’origine malgache plus connu sous le nom de DJ Kodh. © Véronique Besnard pour J.A.

Publié le 5 janvier 2012 Lecture : 3 minutes.

Mixes, rave parties, scratchs… Une foule de termes aux sonorités branchées, un peu obscurs pour les profanes, se bousculent dans la bouche de DJ Kodh. Aucun doute : si sa culture est mi-française mi-malgache, sa terre d’élection est le monde du DJing. Un monde à part, à le croire, dans lequel il a plongé très tôt par l’intermédiaire de son frère qui, à la fin des années 1980, participait à un mouvement en plein essor : celui du hip-house, mélange de hip-hop et de techno apparu à Chicago. Sa passion pour l’électro, très liée au monde de la nuit et souvent qualifiée d’underground, n’est donc qu’en partie l’effet du hasard.

Lorsque Ben Andriamaitso ajoute ces sons étrangers à son univers musical, la vie des dancefloors est bien loin de ses préoccupations. Il a 15 ans, et ses soirées ne sont rien d’autre que des boums entre copains. Ils écoutent surtout du rap, jusqu’au jour où l’un deux se ramène avec « une cassette remplie de scratchs ». Déclic immédiat. Poser ses mains sur une platine vinyle et modifier la vitesse de lecture, la tonalité du morceau… Un plaisir dont il ne pourra bientôt plus se passer.

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Premières armes

C’est à Rouen, entre 1993 et 1998, qu’il fait ses premières armes. Le quartier de la Grand-Mare lui offre une initiation sans pareil qu’il approfondira ensuite à Paris, où il vit encore aujourd’hui. De toutes parts, la ville normande est à cette époque animée par une riche effervescence musicale. Ben s’attache à certains lieux, à commencer par ce street park près du stade Saint-Exupéry où sont organisés chaque week-end des matchs de basket. Avec d’autres DJ, il anime ces compétitions et, très vite, se perfectionne. Il prend aussi ses quartiers dans le magasin Katapult, dans le centre-ville, tenu par deux vrais amoureux de l’électro, et mixe lors des nombreux pots qu’ils organisent. Bientôt, c’est son quotidien tout entier qui prend les couleurs de sa musique.

Un jour, il franchit la porte d’une radio associative, HDR, où il est accueilli à bras ouverts. D’abord invité permanent, il devient animateur d’une émission hebdomadaire. Un peu plus tard, en juin 1999, il décide de participer aux championnats de DJing. Lors de la Coupe de France, il sort vainqueur de la première discipline (le pass pass, rythmique avec deux disques), et deuxième dans l’autre (le scratch). Ces titres lui valent d’être sélectionné, l’année suivante, pour le championnat du monde organisé par DMC – la compétition la plus reconnue et la plus pointue de la communauté –, au cours duquel il remporte son titre. Le succès est suivi d’une faste période de tournée internationale. Bachelier depuis peu et inscrit à l’UFR (unité de formation et de recherche) de droit, sciences et gestion de Rouen pour rassurer une mère réticente à l’idée d’une carrière artistique, il décide finalement de quitter le système scolaire.

Son flair l’a poussé à se spécialiser dans une pratique marginale qui suscite l’intérêt de certains musiciens et musicologues.

Métissage

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Sollicité de toutes parts, il regarde l’avenir avec sérénité. À raison : son flair l’a poussé à se spécialiser dans une pratique marginale qui suscite l’intérêt de certains musiciens et musicologues. Le turntablism, un terme opaque qui désigne le pan le plus technique de l’électro. En somme, il s’approche de la philosophie de la musique électroacoustique, développée notamment par le compositeur Pierre Henry, et ce par pur goût des tendances émergentes, de l’inédit. D’où le métissage qui caractérise ses créations. Outre une influence hip-hop majeure, « un côté un peu rétro 90, avec une dose de Chicago house et un truc rétro garage anglais » font son originalité actuelle, qui s’exprime à travers son groupe Voice Hands Machine. Une association avec les rappeurs new-yorkais de Tres Coronas, un travail de testeur auprès de la marque MixVibes et diverses autres expériences vont dans le sens d’une grande ouverture à la diversité… Et de la recherche d’une dimension festive qui, selon lui, viendrait de ses origines malgaches.

C’est du moins ce qu’il dit ressentir lorsqu’il part pour certains voyages. Sensation de déjà-vu, impression floue de retour à une époque passée, Madagascar l’habite, bien qu’il ne connaisse la Grande Île qu’au travers de ses parents. « Dans ma musique, je recherche une immédiateté, une jouissance de l’instant telle qu’on peut la ressentir dans les danses et les sonorités africaines », dit-il, conscient qu’en France l’électro est bien éloignée de cet idéal. Il rêve tout de même de se rapprocher de cette manière de vivre son art en tournant dans son pays et, pourquoi pas, sur le continent.

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